Le prix de la parole
Le procès du journaliste Taoufik Ben Brik s’ouvre ce jeudi. Il risque jusqu’à trois ans de prison.
dans l’hebdo N° 1077 Acheter ce numéro
La Tunisie est le pays des procès en série contre les opposants. Celui du journaliste Taoufik Ben Brik, qui s’ouvre jeudi, vient après beaucoup d’autres. Il suffit de se rappeler la répression sanglante du mouvement populaire du bassin minier de Gafsa, en 2008 – trois morts, une centaine de blessés, et des condamnations de deux à huit ans de prison. Le 5 novembre, les prisonniers ont été libérés en vertu d’une grâce présidentielle non amnistiante. Ce qui n’implique pas la responsabilité de l’État. Le Comité national de soutien à la population du bassin minier de Gafsa demande la réintégration des anciens détenus dans leur travail et la poursuite des responsables de la répression. Le porte-parole du comité, Messaoud Romdhani, insiste sur l’importance « de l’amnistie des condamnés et le recouvrement de leurs droits. Le combat continue aussi pour les revendications à l’origine du mouvement, dont le droit au travail et à la dignité ».
Le 30 octobre, la police a procédé à l’arrestation de 14 étudiants, à la suite d’un sit-in à l’intérieur de la cité universitaire El-Yasmine, à Tunis, pour des conditions de vie décentes. Dix d’entre eux sont poursuivis pour « entrave à la liberté de travail, provocation de trouble et de désordre » . Leur procès est fixé au 30 novembre. Des membres de l’Union générale des étudiants de Tunisie (Uget), en organisant le 3 novembre, à l’université Manouba, une assemblée de soutien à leurs camarades détenus, ont vécu une chasse à l’homme orchestrée par des agents en civil du régime. Des employés, des enseignants et le doyen de la faculté des lettres ont été tabassés. Mais cela n’a pas empêché le mouvement de se propager dans plusieurs facultés du pays, notamment celles de Tunis, Sfax et Sousse.
Le journaliste Taoufik Ben Brik, lui, est accusé d’ « agression, atteinte aux bonnes mœurs et dégradation de biens » . Méthode classique du régime, qui préfère incriminer ses opposants pour des affaires de « droit commun » montées de toutes pièces. De même, le porte-parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT), Hamma Hammami, a dû regagner la clandestinité pour échapper au procès qui l’attend pour « agression sur un citoyen ». « L’attaque frontale actuelle du Parti-État contre l’opposition est une tentative du régime de revenir sur les acquis arrachés par la lutte », analyse Jalel Ben Brik, militant de gauche radical.
Derrière l’image idyllique du pays du jasmin, façonnée pour les touristes, se cache l’oppression réservée aux voix discordantes.