Les OGM détrônent le dieu Maïs

Après onze ans de moratoire, le gouvernement mexicain autorise vingt et un essais de maïs OGM en plein champ. Une catastrophe pour les défenseurs de l’environnement et de la culture mexicaine.

Marie Massenet  • 19 novembre 2009 abonné·es
Les OGM détrônent le dieu Maïs

Monsanto, PHI AgroSciences et Dupont Pioneer piaffaient de voir autoriser les essais de maïs transgénique en plein champ. Pour la première fois, malgré les risques environnementaux, les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement ­viennent de donner satisfaction à 21 des 35 demandes de ces firmes qui contrôlent 50 % du marché des semences mondiales. Les semences testées sont des OGM de première génération (il faut les racheter chaque année), une biotechnologie d’un intérêt agricole limité au regard des risques qu’elle fait peser sur la biodiversité du pays, selon les ONG qui s’y opposent. Pour dénoncer la dépendance alimentaire et les royalties à payer sur ces semences, Greenpeace Mexico a drapé de noir la statue de l’ange de l’indépendance nationale.

Le Mexique abrite une soixantaine de races locales de maïs et des milliers de variétés, et cette plante reste la base de l’alimentation et de la culture. Les Mayas et les Aztèques la vénéraient déjà comme un dieu. « Hommes de maïs », ils étaient liés dans leur essence à cette plante-divinité depuis la fondation du monde. Elle était jusque-là protégée par un moratoire contre la pollution transgénique.

Hélas, les maïs OGM étaient déjà présents au Mexique : le pays n’est pas autosuffisant et importe tous les ans des États-Unis un tiers de ses besoins – 10 millions de tonnes de maïs « non trié », dont une grande partie est génétiquement modifiée. Impossible de dire combien de tonnes d’OGM entrent donc déjà sur le marché mexicain. Mais ces grains destinés à l’alimentation humaine et animale sont parfois semés. En 2001, des tests, menés par Ignacio Chapella, de l’université de Berkeley, en Californie, ont montré la présence de transgènes issus d’OGM dans les variétés locales, et cette découverte a depuis été confirmée par de nouvelles études. Cette pollution n’a pas été découverte près de la frontière nord-mexicaine, mais au cœur de l’État d’Oaxaca, réservoir de biodiversité, naturellement protégé par les montagnes.

Le flux de gènes entre OGM et variétés traditionnelles peut avoir des conséquences imprévisibles. Certains scientifiques craignent l’apparition de résistances nouvelles chez les insectes et les mauvaises herbes, et des mutations importantes dans les génomes des variétés traditionnelles. Les transferts ont toutes les chances de s’accentuer avec la levée du moratoire, surtout si celle-ci se solde par le développement de cultures commerciales massives. De plus, ces premières expérimentations pourraient annoncer l’arrivée de nouvelles variétés à plusieurs transgènes, ce qui augmente les risques.

La biodiversité a déjà été mise à mal par les cultures industrielles et commerciales d’hybrides de maïs de la « Révolution verte », qui appauvrissent les ressources génétiques. Mais ces premières autorisations de maïs OGM marquent au fer rouge la domination d’une culture technique et marchande sur les richesses naturelles et culturelles du Mexique.

Écologie
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