Où en est l’autre gauche ?

Après plusieurs tentatives de se présenter unie aux élections, la gauche sociale et écologique touche au but. Mais rien n’est encore joué. État des lieux au début d’un mois décisif.

Michel Soudais  • 5 novembre 2009 abonné·es
Où en est l’autre gauche ?

La gauche sociale et écologique se présentera-t-elle aux élections régionales unies ou en ordre dispersé ? Cette question taraude les militants du PCF, du NPA, du Parti de gauche (PG), de la Fédération pour une alternative sociale et écologique (FASE), et de toutes les formations de l’autre gauche, après quatre mois de rencontres et de réunions au sommet. Ballotés au gré de déclarations contradictoires de leurs dirigeants, ils veulent encore y croire, mais les prédictions pessimistes de la majorité des médias, trop enclins à se réjouir des divisions de la gauche radicale, attisent leur défiance. Et, pendant ce temps, les électeurs commencent à se lasser d’un feuilleton qui n’a que trop duré. À trois jours des Assises du changement organisées par Politis, il n’est donc pas inutile de faire un état des lieux des discussions en cours au sein de l’autre gauche.

[( texte encadré )]

Qu’est-ce que l’autre gauche ? C’est à Jean-Luc Mélenchon que l’on doit cette appellation destinée, à l’origine, à désigner les formations du « non » de gauche au traité constitutionnel européen. Dans son esprit, il s’agissait aussi d’empêcher la droite et les tenants d’un PS recentré de « reléguer tout ce qui se distingue d’eux sous une étiquette d’extrémisme » . Dans le même souci, Pierre Bourdieu avait forgé l’expression « gauche de gauche » , très prisée de Christian Picquet. « Autre gauche », « gauche de gauche », « gauche radicale », ces expressions désignent une même réalité que, d’un point de vue idéologique, l’on pourrait aussi appeler « la gauche sociale et écologique ». En font partie une dizaine d’organisations politiques d’importance inégale : le PCF, le PG, la Gauche unitaire – qui constituent le Front de gauche –, le NPA, la FASE, Les Alternatifs, République et socialisme, le Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP), le Parti communiste des ouvriers de France (PCOF) et le Forum social des quartiers populaires (FSQP).

Qui discute avec qui ? Il importe de distinguer deux cercles. Le premier est constitué par les trois organisations du Front de gauche (PCF, PG, GU), qui travaillent à agréger d’autres mouvements. Elles veulent « poursuivre » leur alliance des européennes, « l’élargir et l’enraciner dans la durée, dans les luttes et dans les urnes » et ont créé pour cela, le 23 septembre, un « comité de liaison permanent du Front de gauche » qui se réunit tous les mardis. Le deuxième cercle ­rassemble potentiellement toutes les formations de l’autre gauche dans un « cadre politique national de discussion commun » , dont la constitution a été décidée le 28 septembre, lors d’une réunion initiée par le NPA, afin de « vérifier la possibilité d’aller ensemble aux régionales » . Les sept organisations initialement d’accord sur la démarche (PCF, PG, GU, NPA, FASE, Alternatifs, PCOF) ont été rejointes par le M’PEP et République et socialisme, le FSQP participant aux réunions à titre d’observateur. Lutte ouvrière, qui avait demandé le même statut, s’en est éloigné. Depuis le 28 septembre, le groupe de travail de l’autre gauche s’est réuni trois fois, les 7, 16 et 28 octobre. Une réunion devait se tenir le 2 novembre.

Quels sont les résultats de ces discussions ? De l’avis de la quasi-totalité des participants, elles ont permis de mesurer exactement jusqu’où chaque formation était disposée à mettre de l’eau dans son vin pour présenter des listes unitaires aux régionales. Les discussions ont toutefois longtemps été suspendues à la stratégie que choisirait le conseil national du PCF. Et notamment à la question de savoir si le parti de Marie-George Buffet, qui compte 185 conseillers régionaux sortants, prendrait le risque de se présenter indépendamment du PS et d’Europe Écologie au premier tour des régionales. Son choix, privilégié par 80 % des membres de son conseil national le 25 octobre, en faveur d’un Front de gauche élargi a levé cette hypothèque. Certes, les statuts du PCF et « l’offre politique nationale » adoptée laissent aux militants la possibilité dans chaque région de rester dans le giron du PS, mais la plupart des partenaires potentiels du PCF refusent de préjuger de la décision des conférences régionales. Et cherchent au contraire à obtenir un accord de toute l’autre gauche avant que les militants du PCF ne se prononcent.

Le PCF et le NPA peuvent-ils s’entendre ? Le PCF ne cache pas sa méfiance à l’égard du parti d’Olivier Besancenot, qu’il accuse de ne vouloir participer en aucun cas à la gestion des régions. Ce dernier ne croit pas que les communistes veulent engager un rapport de force avec le PS ; il lui fait grief d’avoir présenté une offre politique peu nationale et «  socialo-compatible » . Le ton est brutalement monté la semaine dernière après que le porte-parole du NPA a laissé entendre dans Libération (27 octobre) qu’il limitait son ambition à faire entrer « une bonne opposition de gauche » dans les régions. Cela « ne correspond pas à notre objectif à nous, qui est de construire la meilleure majorité possible », a répliqué Marie-George Buffet, depuis La Réunion, le 29 octobre. Au passage, elle a semblé exclure définitivement un accord avec le NPA en indiquant que le débat sur la stratégie des régionales était « tranché ». Au même moment, Jean-Luc Mélenchon écrivait sur son blog : « Le Front de gauche est relancé. Et l’accord avec le NPA est à portée de main. » Peu informée des dernières discussions de son parti avec les formations de l’autre gauche, Mme Buffet a visiblement parlé un peu vite. L’Humanité s’est d’ailleurs abstenu de reprendre ses propos, le 30 octobre, préférant rendre compte de la reprise des discussions au sein de l’autre gauche.

Sur quoi se ferait un accord ? La réunion du groupe de travail de l’autre gauche, qui s’est tenue le 28 octobre, en donne une idée précise. Les trois formations du Front de gauche y ont présenté « des propositions très concrètes à même de constituer les bases d’un accord national ». Dans un texte concis, le PCF, le PG et la GU se prononcent pour des « listes au premier tour différentes de celles présentées par le PS et Europe Écologie » , qui auront « trois objectifs indissociables : changer les rapports de force à gauche […], b attre la droite et rassembler une majorité autour d’un projet vraiment alternatif à la logique du système qui est en crise aujourd’hui ». Pour ce faire, elles « s’engageront sans ambiguïté » en faveur d’une fusion « avec les autres listes de gauche et écologiques proportionnellement au 1er tour » , en excluant tout accord avec le MoDem. Et prendront des responsabilités « jusque dans les exécutifs régionaux » à condition de pouvoir « mettre en œuvre des points essentiels de [leur] programme » , que le rapport de force soit suffisant et que le MoDem n’y participe pas. Ces propositions ont reçu un « accueil positif » de formations présentes, la FASE se félicitant en outre que « toutes les organisations [aient] d écidé que le nom et le cadre de cette campagne seraient communs à toutes les composantes et pas un simple ralliement au Front de gauche » . Le NPA, qui avait prévu de présenter une offre alternative à celle du PCF, y a renoncé, jugeant que le texte du Front de gauche constitue une «  avancée positive ».

Le débat est-il clos ? Non. « La discussion continue » , a fait savoir le comité exécutif du NPA en réaction aux propos de Mme Buffet à La Réunion. Les composantes de l’autre gauche devaient se réunir le 2 novembre pour un premier tour d’horizon du programme qu’elles pourraient défendre et des conditions de sa mise en application. Avant de se revoir le 10 novembre. Entre-temps, le conseil politique national du NPA, qui se réunit les 6 et 7 novembre, aura donné sa réponse aux propositions du Front de gauche et formulé des choix d’orientation. Ceux-ci devront toutefois être approuvés par ses militants, consultés dans la 2e quinzaine de novembre. Les autres formations aussi ont prévu d’arrêter leur position d’ici à la fin du mois. Ces réponses contribueront à influencer le vote des communistes, qui interviendra entre le 19 et 21 novembre, après les conférences régionales des 7 et 14 novembre.

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