Une histoire vieille de six mille ans

Le sociologue Jean Foyer rappelle les liens ancestraux qui existent entre le maïs et la société mexicaine. Et dénonce une fuite en avant technologique au détriment d’une réflexion sur la diversité.

Marie Massenet  • 19 novembre 2009 abonné·es

Le maïs n’existerait pas sans le travail de générations de paysans. Il vient de la domestication d’une plante, le téosinte, qui donne plusieurs petits épis de quelques graines. Planté et sélectionné depuis au moins six mille ans par les civilisations méso-américaines, le maïs est devenu cette plante géante, offrant un épi unique d’environ 25 cm, incapable de se reproduire sans l’intervention humaine. Les milliers de variétés présentes au Mexique, adaptées à des zones différentes et à des utilisations alimentaires spécifiques, sont le fruit d’une sélection et d’une évolution constante, à l’origine d’une biodiversité exceptionnelle.

Pour la plupart des cultures méso-­américaines, le maïs demeure une plante sacrée. Et comme le démontre le sociologue Jean Foyer, de l’École des hautes études en sciences sociales, auteur d’une thèse sur les controverses autour des biotechnologies au Mexique [^2], de la même manière que la plupart des scientifiques ont du mal à concevoir la sacralisation d’une plante, la plupart des ­peuples indigènes mexicains ne peuvent envisager la marchandisation des gènes d’une divinité. « Entre, d’un côté, un maïs réduit à un assemblage de molécules recombinables et commercialisables, et, de ­l’autre, un maïs littéralement divinisé, c’est toute la gamme de rapports entre nature et société qui est visible » , résume Jean Foyer. Pour lui, « le choc maïs transgénique versus maïs local » représente « la cristallisation d’un choc beaucoup plus fondamental entre les différents Mexique qui cohabitent ».
Et d’ajouter : « D’un point de vue personnel, je pense qu’il y a bien moins à gagner dans la fuite en avant techno-économique que dans le retour réflexif sur la diversité et la richesse biologiques et culturelles liée au maïs. »

[^2]: À paraître aux PUF en mars 2010.

Écologie
Temps de lecture : 2 minutes

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