Une ombre menaçante

Le 6 décembre, Evo Morales devrait être reconduit à la tête du pays. Sauf coup de force.

Claude-Marie Vadrot  • 12 novembre 2009 abonnés
Une ombre menaçante

Ouverte le 5 octobre, la campagne électorale devrait se terminer victorieusement le 6 décembre pour le premier président indien de Bolivie, élu une première fois il y a trois ans. Il devrait être réélu confortablement pour un mandat de cinq ans. Parce que la politique de nationalisation est jusqu’à présent un succès, et parce que les premières mesures destinées à améliorer le niveau de vie des travailleurs, des paysans et de la classe moyenne sont appréciées par la plus grande part de la population. Evo Morales jouit pour l’instant d’une popularité oscillant entre 55 et 60 %. Cela peut se traduire par une majorité pour le MAS (Mouvement vers le socialisme) dans les deux chambres du Parlement, alors que le Sénat est actuellement dominé par la droite. En janvier dernier, le référendum exigé par la droite avait confirmé Morales avec 60 % de « oui ».

Aucun des sept adversaires du Président, réunis derrière le « tout sauf Morales », même si trois d’entre eux se situent à gauche, ne semble faire le poids. Un seul danger pour le pays : la candidature de Manfred Reyes Villa, un ancien militaire formé dans la célèbre École des Amériques de Panama, où l’armée et les services spéciaux des États-Unis préparaient les cadres des régimes forts ou dictatoriaux d’Amérique latine. Il est secondé par Leopoldo Fernández, l’ancien gouverneur (destitué) du département de Pando, accusé d’avoir ordonné en septembre 2008 la répression contre les paysans qui protestaient contre sa politique régionale. Une fusillade avait fait une vingtaine de morts et une cinquantaine de blessés sur le pont où ils avaient été acculés par une formation de paramilitaires téléguidés par le gouverneur.

Cet ex-militaire ne peut pas remporter l’élection, même avec l’appui des provinces riches opposées au Président. Mais il peut être tenté, en cas de victoire de Morales, par un coup d’État soutenu par ces provinces et les forces américaines installées dans de nouvelles bases en Colombie depuis l’accord conclu le 30 octobre avec le président colombien. Les Américains disposent désormais d’un accès privilégié dans sept bases officiellement destinées à lutter « plus efficacement » contre les narcotrafiquants et la rébellion des deux guérillas colombiennes, les Farc et l’ALN. Mais elles permettent également un déploiement militaire éventuel contre l’Équateur et la Bolivie. Lors de la signature, à huis clos, de ce nouveau traité, aucun détail n’a été fourni sur les futures activités d’un millier de soldats américains et d’un nombre équivalent de mercenaires entretenus par l’armée américaine pour faire le sale boulot.

Un accord suffisamment extraordinaire pour qu’il réussisse à inquiéter le président brésilien Lula, qui, pas plus que les autres, n’a réussi à obtenir le moindre détail sur les objectifs de ce renforcement de la présence américaine, dont les forces n’auront pas de compte à rendre au gouvernement colombien.
La mise en place d’une force de frappe américaine intervient à l’orée d’une période électorale qui verra la plupart des pays latino-américains appelés à confirmer ou infirmer leur ancrage à gauche. Et aussi au moment où commence à s’affirmer l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (Alba), fondée par le Venezuela et Cuba en 2004, rejointe depuis par la Bolivie, l’Équateur, le Honduras, le Nicaragua et quelques Îles-États des Caraïbes, avec, notamment, la création d’une monnaie d’échange, le sucre. Première épreuve de cette tentative d’intégration d’un marché indépendant de la zone dollar : lors de 7e conférence de l’OMC à Genève, au début du mois de décembre.

Monde
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