À lire avant Copenhague

Le sommet « climat » de Copenhague
(7-18 décembre), qui accouchera de ses décisions dans quinze jours, fournit une riche littérature sur un thème qui contraindra de plus en plus les décisions dans les années à venir.

Patrick Piro  • 3 décembre 2009 abonné·es

Les sciences au charbon

A-t-on encore besoin d’état des lieux de la planète climat, à l’heure urgentissime de l’action ? Oui, nous démontre aisément Hervé Le Treut [^2], climatologue réputé qui a participé au dernier rapport du Giec. En effet, la climatologie, si elle a établi la réalité du dérèglement et la responsabilité humaine, reste en veille constante : les phénomènes évoluent (parfois bien plus vite que prévu), la connaissance des mécanismes s’affine. S’il était réécrit aujourd’hui, le rapport 2007 du Giec comporterait de notables modifications.
La climatologie gardera donc un rôle de catalyseur des décisions, tant l’ampleur et le coût du chantier de la stabilisation du climat conduit les politiques à soupeser la moindre conséquence de leurs engagements.
S’adressant à un monde où l’on réagit à bout portant, Hervé Le Treut insiste particulièrement sur un paramètre encore mal considéré par l’opinion, les politiques et même l’économie : le temps. La grande inertie des phénomènes, la durée qu’il nous reste pour agir, le prix des retards, etc. À défaut de mieux les intégrer aujourd’hui dans les raisonnements, ce sont des pistes d’action qui seront irrémédiablement bouchées sous peu. Cette climatologie du XXIe siècle, estime Hervé Le Treut, doit aider la société à choisir le monde qu’elle entend construire pour demain.
Parmi les sciences climatiques, il faut désormais inclure l’économie, mais aussi l’histoire, la sociologie, etc. C’est ce qui se dégage d’un riche ouvrage collectif qui fait intervenir quelques pointures (Le Roy Ladurie, Godard, Boy, de Perthuis, etc.) [^3]. Conclusion rassurante de Pierre-Noël Giraud : non, les économistes ne peuvent prétendre avoir le dernier mot pour sauver la planète face au dérèglement climatique, ils doivent se contenter de discuter des moyens et non de prescrire les fins.

Le carbone est partout

C’est un fait patent, pourtant très inaperçu du public, qui va bien devoir s’en soucier : le carbone s’infiltre partout, il est en passe d’imprégner l’économie et la politique à tous les niveaux. Le carbone, c’est cet atome gênant qui donne au CO2, le gaz carbonique, cette capacité à accroître démesurément l’effet de serre planétaire. L’impérieuse nécessité de limiter ses émissions a ainsi créé une « carbonisation » galopante des réflexions. Le geste trivial : éviter d’envoyer trop de CO2 dans l’atmosphère. Mais, depuis des années, l’économie planche sur quantité de mécanismes destinés à le faire effectuer par d’autres, ailleurs, à moindre coût : marchés de droits à émettre, compensation des émissions, finance dérivée des « titres carbone », etc. Et ça en excite beaucoup, déjà oublieux des gouffres que les marchés ont récemment ouverts sous nos pieds. Dans un ouvrage bienvenu [^4], Patrick Criqui, Benoît Faraco, Alain Grandjean, experts ès carbone, défendent l’importance prioritaire des États face aux marchés dans le développement des outils carbone – taxes, quotas de CO2, comptabilisation nationale. Augustin Fragnière, spécialiste des politiques carbone, attaque ces outils avec plus de pugnacité, en décortiquant la justification profonde de l’un d’entre eux : la compensation carbone [^5]. Elle prolifère sur un artifice sémantique, car « rembourser » ses émissions en favorisant des projets absorbeurs de CO2, aux succès incertains, ne fait que déporter et retarder le « geste trivial », le seul qui garantisse à coup sûr une limitation de l’effet de serre.

[^2]: Nouveau Climat sur la terre, Flammarion, 232 p., 21 euros.

[^3]: Les économistes peuvent-ils sauver la planète ?, Regards croisés sur l’économie n° 6, La Découverte, 260 p., 12,50 euros.

[^4]: Les États et le carbone, PUF, 192 p., 15 euros.

[^5]: La Compensation carbone : illusion ou solution ?, PUF, 208 p., 13 euros.

Écologie
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