Courrier des lecteurs 1081
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Le vrai motif du sommet de Copenhague est de légitimer politiquement et de cautionner idéologiquement un partage de la domination mondiale, réalisé, comme toujours, par les gouvernements des pays les plus puissants.
Philippe Zarifian
Faucheurs volontaires d’OGM
Ayant récemment assisté à un procès de « faucheurs volontaires d’OGM » contre la multinationale Monsanto, je tiens à vous faire part de quelques finesses de langage et subtilités sémantiques auxquelles ont recours les promoteurs ou partisans de ces OGM ou PGM (plantes génétiquement modifiées) en plein champ.
D’abord, on ne parle pas d’OGM (un des témoins de Monsanto persistait d’ailleurs à ne parler que d’organismes « génétiquement améliorés » plutôt que « modifiés » ou « manipulés », comme si une transgénèse ne pouvait être qu’une amélioration génétique de l’organisme qui la subit), mais… d’ « événement » . En l’occurrence, il ne s’agissait pas du maïs génétiquement modifié MON89034, mais de l’événement MON89034 !
Ensuite, lorsqu’il y a une dissémination d’une PGM vers une autre plante non génétiquement modifiée, il ne s’agit pas d’une contamination, encore moins d’une pollution (pensez donc !), mais d’une « pollinisation croisée » !
Tout cela, voyez-vous, est soft , comme on dit. En revanche, les faucheurs volontaires d’OGM, eux, ne sont pas du tout considérés par ces mêmes personnes pro-PGM en plein champ comme de doux rêveurs utopiques mais comme des délinquants parfaitement organisés qui utilisent des « techniques de commando comme les commandos anti-IVG » (sic !).
Les politiciens et les responsables du procès pensaient peut-être la même chose avant que ne commence ce dernier, car il y avait pour accéder à la salle de l’audience trois barrages filtrants avec portiques de détection, excusez du peu ! Cependant, ils se sont vite rendu compte ensuite que, comme dangereux délinquants ou voyous, on faisait mieux et, dès la deuxième audience, il n’y avait plus qu’un barrage… Enfin – mais chut ! Cela ne doit pas se savoir –, il paraît qu’il y avait un témoin très sérieux de Monsanto dont un « proche » est tout acquis aux PGM en plein champ et à l’agriculture industrielle soutenue par les lobbies semenciers, mais chut ! Il ne faut pas le dire.
Jean-Luc Lebrun
Ah, ça, on en aura bouffé du Copenhague d’ici au 18 décembre ! Dans tous les médias, sur un même ton, d’abord catastrophiste, puis, si un accord a minima survient, triomphaliste… N’oublions pas qu’une des finalités de l’affaire, c’est le retour à la « prospérité » économique, à la croissance (« verte », c’est là qu’il y a du fric à faire), et à la santé du « marché »… On en aura beaucoup plus parlé en tout cas que du sommet de la FAO, qui s’est déroulé à Rome il y a quelques jours ; c’est vrai que ce dernier concernait juste un petit milliard de personnes qui crèvent de faim non pas dans un avenir, même proche, mais là, tout de suite, à raison, par exemple, d’un enfant toutes les six secondes ! Et à Rome, point de chefs d’États du « Nord », point de Sarkozy pour se féliciter d’avoir mis un terme à la faim dans le monde, point de mesures fortes et contraignantes pour les pays riches permettant à ceux du « Sud » d’assurer leur autosuffisance alimentaire, ce qui contribuerait à réduire les échanges et donc les émissions de saloperies dans l’atmosphère ! Au lieu de cela, on voit les Chinois et les Coréens acheter des centaines de milliers d’hectares de terres dans les pays pauvres pour y développer des agrocarburants ; on voit la France exporter des restes de poulets en Afrique, et mettre à bas les élevages locaux ; on voit poindre de nouveaux conflits liés à la pénurie (organisée ou non) de l’eau (par exemple, Israël qui rationne l’eau des Palestiniens) ; on voit comment sont tenus les engagements financiers des pays riches censés aider les pays les moins avancés, etc. Alors, Copenhague, oui, mais ne soyons pas dupes de l’immense hypocrisie qui va marquer le « Climathon », cette foire aux bons sentiments, même s’il ne faut pas cracher sur d’éventuelles mesures qui favoriseraient le début du commencement du ralentissement du réchauffement climatique…
Michel Avila, Cahors
À la suite à votre article paru dans le n° 1070 de Politis , intitulé « Des prisons inhumaines et inutiles », je souhaite apporter un éclairage moins pessimiste sur l’état de nos prisons. En tant que visiteur de prison depuis près de cinq ans, je suis bien sûr témoin, dans la maison d’arrêt où j’interviens, des conséquences néfastes de la surpopulation carcérale sur les conditions de détention d’une grande partie des personnes détenues et sur leurs possibilités de bien préparer leur réinsertion.
Mais je suis également témoin des réels efforts déployés par les acteurs du monde carcéral pour faire en sorte que la prison devienne utile et reste humaine ; et, par acteurs, je pense d’abord aux personnels pénitentiaires (surveillants et conseillers d’insertion), outre les intervenants extérieurs (professionnels et bénévoles).
Mais si la surpopulation ne sévissait pas, les possibilités d’encellulement individuel et les activités permettant un lien social et culturel seraient beaucoup plus nombreuses, les espaces dédiés à l’enseignement, à la formation et au travail seraient plus accessibles.
Ainsi, la mission donnée par la loi au service public pénitentiaire d’assurer autant la réinsertion que la bonne garde des personnes incarcérées pourrait être plus aisément assurée. Et la prison ne pourrait plus être qualifiée de « honte » par le président de la République lui-même.
En tant que citoyen, il me paraît de plus en plus paradoxal, sinon incohérent, d’afficher politiquement une priorité de lutte contre la récidive tout en maintenant des conditions carcérales incompatibles avec cette priorité, et ce, faute de moyens adéquats. Car le service public pénitentiaire, auquel je contribue comme bénévole, ne décide bien sûr pas lui-même du nombre et des caractéristiques des personnes dont il a la charge : ce sont les responsables politiques qui votent les lois pénales influant in fine sur cette surpopulation, ce sont eux qui votent les crédits alloués à telle ou telle administration.
L’espoir raisonné que j’ai est qu’un plus grand nombre de mes concitoyens s’intéressent véritablement à cette « boîte noire » qu’est la prison et interrogent – ou interpellent s’il le faut – leurs élus. Bien sûr, il est commode de se rassurer en estimant que, durant leur peine, les délinquants ne sont plus dangereux pour la société. Mais, lorsque ces personnes auront purgé leur peine et recouvreront toutes leurs libertés, auront-elles eu toutes les possibilités de retrouver une place dans la société ?
En partageant la certitude avec d’autres que la citoyenneté ne s’arrête pas à la porte de la prison, je ne pense pas seulement aux droits citoyens des personnes détenues, je pense aussi et surtout au droit des citoyens qui sont à l’extérieur de s’exprimer en connaissance de cause sur le sens et l’utilité de la peine dans cet espace républicain qu’est la prison.
Michel Jouannot
À propos de la grippe A…
J’ai toussé en lisant l’article d’Ingrid Merckx du 26 novembre dans les colonnes de Politis. Il ressemble plus à un rapport d’un service du ministère de la Santé qu’à une analyse de fond sur la gestion de ce problème sanitaire [la grippe A, NDLR]. Pourquoi dire que « c’est la première fois que les autorités ont la possibilité d’anticiper une pandémie » ? C’est inexact, elles l’ont fait pour la grippe aviaire, et cela aurait été utile d’y revenir. Combien de victimes humaines pour cette « pandémie » ? 250 morts avérés dans le monde, selon l’OMS, au 1er janvier 2009.
Cette prétendue pandémie avait entraîné de nombreuses mesures dans le monde, dont celle qui m’a le plus révolté parce que je suis paysan : la décision de supprimer tous les élevages de plein air dans de nombreux pays. C’est-à-dire pratiquement tous les petits élevages, dont de nombreux assuraient une bonne part de calories pour les plus pauvres et permettaient aussi le maintien de ce qu’il reste de biodiversité en aviculture. Pour ce que j’en sais, les conséquences furent graves pour la Turquie, l’Égypte et beaucoup d’autres pays, qui virent éclore au même moment les élevages industriels (lire à ce sujet Chicken Flu Opéra , éditions l’Esprit frappeur). Il s’avère que ni les oiseaux migrateurs ni ces élevages n’étaient responsables de cette supposée pandémie, mais justement les transferts de viande des grands élevages industriels liés aux multinationales. L’achat de stocks de Tamiflu a rassuré la population et permis quelques profits substantiels ; fort heureusement, aucun vaccin ne nous fut imposé. Ce retour pour dire qu’un peu de recul n’est pas inutile et que c’est une grande naïveté de croire que les autorités sanitaires ne sont pas sous influence – consciente ou inconsciente – d’intérêts qui n’ont parfois rien à voir avec la santé.
Ce qui est surprenant, dans cet article, c’est qu’un grand nombre de questions sont posées mais qu’aucune réponse ou piste pour comprendre n’y sont données. Les effets secondaires, on en connaît : Guillain Barré ; il doit y en avoir d’autres, je ne suis pas médecin.
Les essais cliniques, vous auriez pu nous le dire, ont été très courts, et sur une petite tranche de population ; c’est pour cette raison que la ministre de la Santé polonaise refuse encore la vaccination, elle est médecin et pas pharmacienne comme Bachelot. Sur l’indépendance des experts, vous auriez pu donner quelques réponses. Aucune analyse non plus sur ce que signifie cette prise en main de notre santé par le pouvoir, par ailleurs si négligent sur d’autres aspects de celle-ci. Aucune information sur les mesures législatives prises en cette circonstance et qui sont pourtant très graves en matière de liberté individuelle et politique, et qui seront à mon avis lourdes de conséquences si nous n’y prenons garde. Décidément, cet article pose trop de questions et ne nous présente pas les réponses que certains donnent et que nous voudrions lire pour décider.
Enfin, la conclusion me pose problème : les Français, peu militants contre Sarkozy, le seraient à 80 % pour défendre leur santé individuelle. C’est quoi, cette accusation ? On serait individualistes pour les problèmes de santé et collectivistes dans les manifs pour nos retraites, nos salaires ? Et la dernière phrase, très bizarre, est encore une question, mais la seule qui soit en fait une affirmation : « Qu’en est-il du vaccin que l’on se fait injecter pour limiter la propagation d’une maladie et la contamination des personnes vulnérables ? » Donc, ceux qui se font vacciner sont des gentils altruistes, et ceux qui refusent des méchants individualistes ? Je crois bien que les Français sont individualistes, mais pas plus sur ce sujet qu’ailleurs, et je ne pense pas que les vaccinés le soient par altruisme. D’ailleurs, est-ce exact qu’une personne vaccinée ne contamine plus ? J’aimerais le savoir.
Donc, pour compléter cet article et trouver au moins quelques réponses, je vous conseille vivement la lecture du dossier de Nature et Progrès de novembre-décembre : « Bio et pandémies ». Des points de vue qui prouvent que la résistance à la vaccination n’est pas uniquement pour sauver sa petite personne mais aussi le refus d’une société totalitaire qui ferait sans doute mieux de dépenser de l’argent pour les problèmes de santé avérés, comme le paludisme ou la malnutrition.
Pascal Pavie, Festes (11)
L’objet de cet article n’était pas de procéder à « une analyse de fond du problème sanitaire » que pose l’épidémie de grippe A (je vous renvoie pour cela au Politis du 3 septembre, qui titrait : « Inégaux face à la grippe »), mais plutôt de faire un petit bilan d’étape, fin novembre, sous un angle politique : ce que le refus de se faire vacciner traduit comme méfiance à l’égard des pouvoirs publics. Cet article pose trop de questions ? C’est que nous en sommes encore à l’heure du doute.
Par ailleurs, il n’y a pas eu, à ma connaissance, de « mesure législative » spéciale face à la grippe, excepté le surcoût mentionné dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2010. La conclusion de l’article est mal comprise : « santé individuelle » ne s’oppose pas à « santé collective », mais désigne ici « la santé des individus ». Rien à voir avec l’individualisme. En revanche, il y a bien une dimension collective à ce vaccin, comme pour n’importe quel vaccin. Enfin, la méfiance que vous exprimez est justement celle que l’article cherchait à évoquer.
I. M.