« Il faudrait 2 150 places d’hébergement en plus »
A plan grand froid, petits effets. A l’heure où les thermomètres plongent dans le négatif, Didier Cusserne, délégué général de l’association Emmaüs, dresse un état des lieux sans concession de la politique de l’hébergement en France.
Politis.fr : Selon quels critères décide-t-on de mettre en place ce plan grand froid ?
Les critères sont normalement liés à la température. A côté des critères météorologiques, il s’agit en réalité d’un ensemble d’appréciations beaucoup plus subjectives et complètement politiques. Les responsables politiques se mettent à ouvrir des centres d’hébergement complémentaires lorsqu’ils ont peur d’être embêtés par des citoyens touchés par la situation des personnes sans abris. En novembre 2008, quand on a découvert des morts dans le bois de Vincennes, la population s’est largement émue de la question. Les responsables politiques ne pouvaient pas passer à travers et ont décidé à ce moment là, précisément, d’ouvrir des places d’hébergement précaire. Ces places ont ensuite été fermées au mois de mars, lorsqu’il s’est mis à faire un peu plus beau.
Le niveau 2 du plan grand froid est-il en passe d’être décrété à Paris ?
Oui. D’autant que la mise en place des dispositifs liés au grand froid sont l’objet de décisions quotidiennes. Ce plan consiste à ouvrir des places d’hébergement supplémentaires, qui ne sont malheureusement pas des vraies places d’hébergement mais plutôt de mise à l’abri. Les cinq gymnases ouverts par la municipalité représentent 290 places supplémentaires. Tous ces dispositifs qui sont mis en place durant l’hiver mériteraient d’être transformés en véritables places d’hébergement. 2150 places d’hébergement précaires sont prévues pour cet hiver. Il en faudrait le même nombre en permanence. Car les personnes sans abris n’ont pas besoin d’être à l’abri uniquement quand il fait froid.
Remarquez-vous tout de même des avancées en matière de politique d’hébergement et de logement?
Il y a un nouveau ministre en charge du logement [Benoît Apparu a remplacé Christine Boutin en juin 2009], qui se démène pour essayer de changer les choses. Mais, à l’heure actuelle, on ne voit pas arriver les moyens concrets qui permettraient la mise en oeuvre d’une nouvelle politique. Le problème de fonds n’a pas été résolu : plus personne ne doit être contraint de dormir à la rue.
En mai 2006, Nicolas Sarkozy déclarait que s’il était élu, il souhaitait que « d’ici deux ans plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid »…
La promesse n’est pas tenue. Il disait encore l’année dernière que chaque personne devait pouvoir être accueillie, avoir une chambre, prendre une douche… Malheureusement, ces chambres n’existent pas, ces douches n’existent pas. Cela fait partie des discours que les hommes politiques tiennent régulièrement. Une bonne volonté qui ne donne pas les moyens aux plus exclus de trouver une place dans la société.