J’en reviens pas !
dans l’hebdo N° 1079 Acheter ce numéro
J’en reviens pas : il y a une ambassadrice, au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui porte exactement le même prénom et le même nom que l’épouse du chef de l’État français ! Carla Bruni-Sarkozy, elle s’appelle. (Comme l’autre, te dis-je !)
Le Monde a publié, dans son édition datée du mardi 1er décembre, une tribune qui porte sa signature : « Carla Bruni-Sarkozy, ambassadrice du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, chargée de la protection des mères et des enfants face au sida. »
Et moi, comme un (pauvre) con, j’ai d’abord pensé que les deux Carla-Bruni Sarkozy – celle du Fonds mondial de lutte contre le sida et celle de l’Élysée – étaient en réalité une seule et même personne.
Mais ce n’est tout simplement pas possible, pour la simple et bonne raison que celle du Fonds mondial de lutte contre le sida veut, notamment, « que nous puissions dire à nos petits-enfants que nous avons fait tout ce que nous pouvions pour que, partout dans le monde, des enfants ne naissent plus porteurs du VIH » , et que nous nous montrions « capables de » leur « dire » aussi « que des millions d’enfants auront grandi entourés de l’affection de leurs parents parce que ceux-ci auront bénéficié de traitements contre le sida, et que cela aura pu se produire parce que nous aurons enfin décidé de donner à notre action l’ampleur et l’urgence que chaque mère et chaque enfant méritent ».
Sincèrement, est-ce que l’autre Carla Bruni-Sarkozy – celle de l’Élysée – aurait pu écrire ces lignes ? Bien sûr que non, voyons : signée d’elle, une telle tribune eût été d’une si insoutenable obscénité que jamais notre quotidien vespéral de référence – pour audacieux qu’il soit – n’aurait osé la publier.
Parce que bon, tout de même : chacun(e) sait – même les gens du Monde – que la Carla Bruni-Sarkozy de l’Élysée partage la vie d’un homme qui, depuis trente mois, ne cesse de faire arracher (par son fidèle (Maurice) Éric Besson) des enfants à l’affection de leurs parents, au laid motif qu’iceux n’ont pas les bons papiers. C’est là toute l’attention que méritent, sous son très incommodant règne, « chaque mère » et « chaque enfant » , s’ils ne sont pas nés sous les bonnes latitudes. (En vertu de quoi nous devrons narrer quant à nous à nos petits-enfants que nous avons bel et bien connu une France monstrueuse .)
De sorte que si la Carla Bruni-Sarkozy de l’Élysée, que ces menées laissent coite, avait osé écrire la même chose que la Carla Bruni-Sarkozy du Fonds mondial de lutte contre le sida, des millions de citoyen(ne)s, ulcéré(e)s par tant d’hypocrisie, auraient manifesté aux cris de : Quelqu’un nous a dit que tu te foutais de notre gueule !
Conclusion : elles sont deux.
Et comme je te disais : j’en reviens pas.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.