La justice souffre d’une « perte d’humanité »
Lors de son université d’automne, la Ligue des droits de l’homme a questionné le fonctionnement de la justice pénale au regard de la situation sociale et du climat politique.
dans l’hebdo N° 1079 Acheter ce numéro
L’université d’automne de la Ligue des droits de l’homme, qui s’est tenue les 28 et 29 novembre, avait pour titre une question dont la réponse ne faisait guère de doute : « Justice pénale : une crise parmi les autres ? » Les différents intervenants (juristes, sociologues, expert psychiatre, journaliste…) y ont en effet mis en lumière le fait que l’inquiétante dégradation de la justice pénale, certes due en partie à des causes endogènes, n’était en rien indépendante du contexte général. Plus que de la 24e réforme qui se profile (en moins de dix ans), prévoyant notamment la suppression du juge d’instruction, il a donc été surtout question du fonctionnement de cette justice, et de ce qu’il trahit de la situation sociale, du climat politique et de l’évolution des normes. Bien sûr, l’omniprésidence de Nicolas Sarkozy a été au centre des débats, et sa politique jouant sur la peur et la répression, qui voit les juges du siège peu à peu dépossédés de leur pouvoir au profit du parquet et de la police. Il a été souligné en particulier comment la justice est sommée de répondre à la demande de la police, elle-même soumise à la logique du chiffre. Il a été montré aussi comment la prise en compte quasi exclusive des victimes amène à une confusion entre l’intérêt de celles-ci et l’intérêt général. Mais cette université d’automne a eu également pour mérite de remettre en perspective cette régression. Aussi néfaste soit-il, l’actuel président de la République n’en est pas l’unique responsable. Elle est le fruit d’une lente évolution, depuis une trentaine d’années, et de plusieurs gouvernements successifs, de droite mais aussi de gauche. « Les conditions de production de la vérité judiciaire ont subi une perte d’humanité » , a affirmé en conclusion Jean-Pierre Dubois, président de la LDH. Une manière de dire qu’aujourd’hui le combat est avant tout culturel.