La part d’échec des associations

Espérant pouvoir agir « de l’intérieur », les grandes organisations de défense de l’environnement se sont fait piéger par le pouvoir et ses stratégies de communication.

Claude-Marie Vadrot  • 24 décembre 2009 abonné·es

Les associations – que par glissement sémantique anglo-saxon et onusien nous appelons souvent les ONG (organisations non gouvermentales) –, déçues par la conférence de Copenhague, doivent se demander si elles n’ont pas leur part dans l’échec de ce sommet et des négociations qui l’ont précédé. Elles doivent ou devraient se poser la question de leur utilité dans ce genre de grand cirque planétaire, voire de leur fonction dans une France où le pouvoir a fait entrer l’écologie dans l’ère de la communication. En se rendant à l’Élysée le 10 décembre, alors que les débats prenaient déjà mauvaise tournure au Danemark, les responsables des grandes associations sont malencontreusement entrées dans le jeu de Nicolas Sarkozy, qui leur a servi l’inusable « je vous ai compris » de son lointain prédécesseur. Ce ­faisant, face à un numéro de charme, sans même être écoutés, ils ont
– consciemment ou non – pris leur part de l’échec du Président. Celui-ci s’était notamment vanté de pouvoir réunir l’Europe autour de ses projets « révolutionnaires » . Paroles, paroles… La fameuse réunion, dont l’annonce a été colportée par les associations ainsi adoubées, n’a jamais eu lieu.
Cette mésaventure de la diaspora associative illustre le problème déjà évoqué ici : le divorce entre beaucoup des responsables associatifs et les militants. Elle souligne aussi la notabilisation d’une partie de la mouvance associative, qui cherche désespérément à être reconnue par le biais d’une collaboration qui débouche, même involontairement, sur une confusion des genres.

Représentant – ce qui est contesté – une société civile ne faisant pas de calculs politiques mais cherchant à faire changer les politiques d’aménagement et de protection de l’environnement et de la planète, les associations, au moins françaises, manifestent une fâcheuse tendance à compenser leur faiblesse numérique par une présence ambiguë auprès du pouvoir.

Dans les conférences précédentes sur l’environnement ou sur le seul climat, les associations avaient pu faire entendre leur voix et obtenir, même à la marge, des modifications aux projets de décisions ou de résolutions, parce qu’elles pesaient de l’extérieur. Alors que cette fois elles ont vécu l’illusion, prises au piège de la flatterie communicante de Jean-Louis Borloo et du Président, qu’elles allaient être utiles de l’intérieur. Une prétention qui n’est pas à la hauteur (le cas de Greenpeace étant à mettre à part) des forces militantes qu’elles réunissent. Le nombre n’est pas un critère absolu, mais il faut rappeler que si, en Grande-Bretagne, la Royal Society for Protection of Birds réunit un peu plus d’un million de ­membres, son équivalent français, la Ligue pour la protection des oiseaux, n’en regroupe que 60 000. Même remarque pour les Amis de la Terre. Quant au WWF, l’activisme sincère de son président masque le fait qu’il ne parle pas au nom de militants mais d’adhérents. Aucune association, y compris l’active Sortir du nucléaire, ne peut mettre des dizaines de milliers de militants dans la rue française.

Les associations éprouvent des difficultés à peser peut-être parce qu’elles ne se sont pas sorties de leur spécialisation et de leur histoire. Que le rassemblement militant de Copenhague ait choisi de lier intimement l’écologie, la solidarité et le social pourrait leur indiquer une nouvelle voie. Ce qu’affirme ressentir Serge Orru, le directeur du WWF-France, quand il nous explique qu’il faut probablement créer une ou des associations cherchant à lier toutes ces notions. Il y songe, dit-il.

Écologie
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