Les Verts se sont adaptés
dans l’hebdo N° 1080 Acheter ce numéro
L’intégration sur les listes d’Europe Écologie, pour les régionales de mars 2010, de nombreux candidats médiatiques et non Verts est un changement considérable pour ce parti. Il est bien plus profondément concerné qu’aux européennes en raison du nombre des postes à pourvoir : il y a quelque 170 élus Verts sortants.
Tout d’abord, les Verts reconnaissent que le charisme fait partie du jeu politique – ce qui n’est pas scandaleux. Jusqu’à présent, ils ont toujours mis des bâtons dans les roues des personnalités trop voyantes, s’abritant derrière leur slogan « faire de la politique autrement ». C’est donc une entorse sérieuse à leur ligne habituelle.
Ensuite – presque aussi étonnant –, ils ouvrent la porte à des personnalités hors parti. C’est un risque, parce qu’elles ne sont pas soumises à la discipline de l’organisation. Elles peuvent se montrer incontrôlables ou novices dans le jeu de la politique, où tout dérapage peut avoir des conséquences difficiles à calculer.
Cette évolution profonde, ce sont les dirigeants des Verts qui y ont consenti. On ignore si la base y adhère réellement, mais je doute que l’on entende beaucoup de critiques si le coup politique est réussi en mars prochain. Pour ma part, j’ai été impressionné par le résultat des européennes.
Autre conséquence : l’image des Verts risque de se diluer un peu dans ce mouvement d’élargissement. Mais ce n’est pas un mal, au contraire. Ce parti a souffert jusqu’à présent d’être perçu comme petit, renfermé, chamailleur, voire sectaire. Avec cette ouverture, l’écologie a gagné une image plus large, plus accueillante, très bien reçue par l’opinion ; preuve en est le succès d’Europe Écologie aux européennes.
Pour autant, je ne qualifierais pas cette mutation de « nouvelle manière de faire de la politique », mais d’adaptation. Les Verts montrent qu’ils acceptent – ce dont ils étaient incapables – les règles du jeu politique contemporain, avec sa dose importante de « spectacle ». Auparavant, ils ont entendu une demande issue du mouvement social, très spécifique au terrain écologique. Depuis quelques années, on voit de nombreux militants saisis par un sentiment d’urgence extraordinaire face aux périls planétaires. Face à l’hermétisme de la sphère politique, et parvenus au bout de leurs stratégies associatives ou médiatiques, ils ont décidé d’entrer en politique. Après la perspective d’une candidature de Nicolas Hulot à la présidentielle, il y a eu le Grenelle de l’environnement, puis ils ont frappé à la porte du seul parti susceptible de les entendre.
De nombreuses incertitudes jalonnent cependant la poursuite de l’aventure. Des problèmes internes : que pensent les militants engagés de longue date en politique de l’irruption de représentants extérieurs ? Ces derniers suivront-ils les normes de comportement des élus Verts, comme le reversement d’une partie de leurs indemnités au parti ?
Et puis l’arène politique est conçue pour la confrontation de structures politiques, notamment dans ses règles de financement. Les Verts sont bien un parti, mais pas les militants d’Europe Écologie, qui n’ont pas fait le même choix de vivre « par et pour » la politique. En 2012, la question ne sera plus de s’allier avec Hulot, mais avec le PS, pour obtenir des circonscriptions. Comment envisage-t-on ce dialogue, chez les Verts ?