« Solidarité et responsabilité »

La municipalité de Montreuil a récemment été critiquée pour sa gestion du dossier « Roms ». Réponse de la principale intéressée.

Dominique Voynet  • 24 décembre 2009
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Juillet 2008 : quelques semaines après notre installation à la mairie de Montreuil, un incendie dans une usine insalubre occupée jetait à la rue plusieurs dizaines de familles roms. Fidèle à ses orientations en matière de solidarité, la nouvelle équipe municipale s’est donc attelée à la tâche sans délai, avec la ferme volonté de mettre en place des dispositifs d’accueil et d’intégration.

Disons-le franchement, la complexité des circuits administratifs qui relient la commune avec ses partenaires institutionnels, combinée avec la faiblesse des moyens de la ville de Montreuil, n’a pas rendu la tâche aisée. Néanmoins, le 17 juin dernier, je recevais dans la salle des fêtes de la mairie 328 personnes de la communauté rom, à la fois pour marquer symboliquement l’accueil plein et entier des familles roms en « leur » mairie, mais aussi pour contracter avec elles un certain nombre d’engagements réciproques, s’inscrivant dans le contexte d’une procédure appelée Mous [^2].

La procédure en question, signée avec la préfecture, prévoit en effet, outre la recherche active de solutions de logement durable, l’accompagnement social, sanitaire et éducatif pour 330 Roms issus de cette usine incendiée et d’un bâtiment actuellement squatté. Des partenariats ont été instaurés pour ce faire avec l’État et la Région, ainsi qu’avec le secteur associatif.

L’investissement humain et financier de la ville, probablement le plus élevé de notre pays, est considérable au regard de son potentiel budgétaire, eu égard aussi aux 6 000 demandes récurrentes de logement enregistrées par ailleurs, dont certaines remontent à près de dix ans. Des résultats positifs existent d’ores et déjà : toutes les personnes sont officiellement domiciliées, toutes ont obtenu l’ouverture des droits afférents, en particulier en matière de santé. Plusieurs dizaines d’enfants sont scolarisés, un travail de fond en termes d’alphabétisation et d’insertion professionnelle a été engagé.

En matière de logement, deux projets sont bien avancés, qui visent à concilier notre volonté d’éviter constamment la formation de ghettos et notre désir de favoriser au maximum le mélange avec d’autres populations : des chalets en bois largement autoconsruits, en partenariat avec Emmaüs, et de petits immeubles à vocation sociale, en mixité avec des locataires étudiants, artistes ou jeunes travailleurs, avec jardin partagé, immeubles qui auront vocation à recevoir d’autres publics venus de logements indignes, après la Mous.

Les autres possibilités à l’étude concernent plutôt des microterrains pour quatre ou cinq familles. L’intégration sociale à l’échelle du quartier est également favorisée à travers le soutien apporté par la municipalité aux micro-initiatives impliquant une mixité de population. Cependant, il est manifeste que ces efforts déployés par la seule ville de Montreuil ne suffisent pas à traiter avec humanité l’ampleur des besoins liés à l’arrivée de Roms et d’autres populations de réfugiés économiques et politiques (demain climatiques ?) en Île-de-France. Ainsi, devant les conséquences qu’aurait la multiplication de bidonvilles insalubres sur le territoire de la commune, et en premier lieu pour la santé et la sécurité des familles qui s’y trouveraient, la mairie de Montreuil sait bien qu’il n’est pas possible de les laisser se déployer sur des terrains vagues sans eau, ni sanitaires, ni gestion des déchets, ni équipements d’aucune sorte.

Considérant qu’il convient d’adapter les parts de responsabilité à chaque échelon, Europe, État, Région, commune, j’ai donc écrit au Premier ministre pour demander instamment à l’État de mettre en place une enveloppe budgétaire spécifique attribuée aux municipalités ; de déployer des moyens logistiques lourds, notamment pour des hébergements temporaires ; le soutien aux ONG intervenant ; l’arrêt des expulsions sans proposition de solutions alternatives. Face aux invectives contradictoires sur le « trop d’actions » ou le « pas assez d’actions », la municipalité poursuivra sans faiblir ses efforts en faveur des populations roms. En la matière, les politiques de l’autruche, de l’indifférence et de la défausse systématique sont dangereuses, inefficaces et inhumaines. Il est temps que chacun prenne sa part dans l’effort commun de solidarité.

[^2]: Maîtrise d’œuvre urbaine et sociale.

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