Tous à Copenhague
Associations, ONG, mouvements, syndicats et même partis politiques se sont mobilisés comme jamais pour faire pression sur les négociateurs du sommet climat.
dans l’hebdo N° 1079 Acheter ce numéro
«Cette année, on a dit “pas de pingouins” , explique Hannah Mowat, chargée de la mobilisation pour Copenhague aux Amis de la Terre. Ça donne une image trop gentillette aux manifestations. » L’association a voulu sortir le Global Day of Action de son anonymat français : quelques dizaines de militants dans la rue, en général. Convoquée à mi-parcours de la conférence annuelle des Nations unies sur le climat, cette mobilisation internationale lancée en 2005 se tiendra cette année le samedi 12 décembre dans plus de cent pays. Mais, comme elle accaparera à Copenhague même une bonne partie des forces militantes européennes, plusieurs pays ont décrété une journée d’action nationale supplémentaire le samedi 5 décembre. En France, les Amis de la Terre n’y insisteront donc pas sur la faune polaire en péril, mais sur les humains à sauver, « et notamment dans les pays du Sud, les premiers menacés par le péril climatique, ajoute Hannah Mowat. Notre mot d’ordre, c’est “justice climatique maintenant”, et nos groupes réagissent au quart de tour, c’est extraordinaire… »
Le rendez-vous principal aura lieu à Paris à l’appel d’Ultimatum climatique, collectif de onze grandes organisations écologistes et ONG humanitaires, dont les Amis de la Terre [^2]. Une grande flash-mob (mobilisation éclair) est convoquée à 12 h 18 avec un concert de sons « pour réveiller les décideurs » [^3], après celles des 22 septembre et 24 octobre.
S’y joindra également Urgence climatique, justice sociale, l’autre grand collectif français mobilisé pour Copenhague [^4]. On y retrouve, pour la première fois aussi largement réunis pour la cause climatique, de nombreux mouvements sociaux (Attac, AC !, Agir ensemble contre le chômage, etc.), des syndicats (SUD, FSU), des associations altermondialistes (Aitec-Ipam, Acme, Bizi, CADTM, France liberté, Fondation sciences citoyennes, LDH, MAN…) et des organisations écologistes (Amis de la Terre, Réseau sortir du nucléaire, etc.).
Urgence climatique, justice sociale, soutenue par plusieurs mouvements ou partis de gauche et écologistes (Alter Ekolo, Alternatifs, FASE, Gauche citoyenne, Gauche unitaire, PG, NPA, Verts, Utopia…), appelle les participants parisiens à rejoindre ensuite la manifestation des chômeurs et des précaires qui se tient le même jour. « Nous voulons montrer qu’il y a une continuité entre l’action climatique et l’action sociale, explique Maxime Combes, animateur du collectif. Nous appelons à changer le système, pas le climat. »
Si Urgence climatique, justice sociale se distingue par une approche plus politique et radicale, ces collectifs collaborent depuis des mois. En effet, leurs revendications sont proches : la définition d’un accord ambitieux à Copenhague, avec des objectifs drastiques pour les pays industrialisés ; la reconnaissance de la responsabilité prioritaire de ces derniers dans la crise ; et leur indispensable solidarité avec les pays du Sud afin de les aider à s’adapter aux impacts du dérèglement et à réduire leurs propres émissions de gaz à effet de serre. « Ce qui permet une forte solidarité entre des organisations peu habituées à travailler ensemble, c’est inédit, relève Hannah Mowat. Nous avons pu agir avec beaucoup plus d’ampleur cette année, les synergies sont nombreuses partout en France. »
Les Amis de la Terre, qui ont un pied dans les deux collectifs en France, ont affrété une rame de train qui conduira à Copenhague 400 militants issus de tous les horizons, du 10 au 13 décembre. Point d’orgue : la manifestation du samedi 12, où les Amis de la Terre International espèrent constituer une vague humaine de couleur bleue de 10 000 personnes dans les rues de la capitale danoise.
On retrouve à l’échelon international et au Danemark des profils de mobilisations similaires, avec deux grandes coalitions : les grosses organisations environnementalistes (Climat Action Network, CAN) et humanitaires au sein de la campagne « Tcktcktck » [^5], dont le correspondant danois est le People Climate Action (PCA), et les mouvements sociaux et altermondialistes ralliés à l’appel « Climate Justice now ! » lancé il y a deux ans sous l’impulsion de nombreuses organisations du Sud (Jubilee South, Via campesina, etc.), dont l’équivalent danois est le Klimaforum.
« Syndicats, organisations paysannes, altermondialistes, etc., Copenhague marque l’irruption massive des mouvements sociaux dans la bataille climatique, souligne Christophe Aguiton, membre du conseil scientifique d’Attac-France. S’ils entendent dénoncer le système dominant, il ne s’agira pas de rééditer Seattle, où le sommet de l’Organisation mondiale du commerce avait été bloqué par les manifestants. À Copenhague, tout le monde pousse pour qu’émerge un accord, le plus ambitieux possible. »
Pourtant, on s’attend à des tensions, en particulier lors de l’arrivée des chefs d’État la deuxième semaine, s’il s’avère (comme c’est probable) que les négociations s’enlisent. Le 16 décembre, le Climate Justice Action (CJA), réseau jeune, autonome et informel, issu de l’action non-violente (6), prétend ainsi marcher en direction du centre de conférences pour « l’envahir » et y tenir une assemblée populaire. Mais la crainte principale des autorités, qui leur donnera prétexte à une mobilisation policière massive, c’est l’irruption annoncée des Black Blocks, libertaires et casseurs, lors du sommet.
(6) www.climate-justice-action.org
[^2]: Avec Action contre la faim, Care, FIDH, Greenpeace, Fondation Nicolas-Hulot, Médecins du monde, Oxfam-Agir ici, Réseau action climat, Secours catholique et WWF. Voir le site , qui annonce plus de 450 000 signataires pour son appel.
[^3]: En évocation du 18-12, date de conclusion du sommet de Copenhague. Voir le site
[^4]: Voir le site . On y trouve notamment un document très complet « négociations, agenda, coalitions et sites ressources » sur les mobilisations autour de Copenhague.
[^5]: Le cliquetis du compte à rebours des négociations de Copenhague, voir le site , qui revendique près de 10 millions de signatures pour son appel.