Castro revu et corrigé

Karl Zéro propose un autoportrait non autorisé de Fidel Castro, nourri d’archives et furieusement iconoclaste.

Jean-Claude Renard  • 14 janvier 2010 abonné·es

Ébouriffante aventure humaine. Relevant du Shakespeare et du Cervantès. Foin de littérature mais juste de l’authentique touchant au sublime romanesque. Apprenti sorcier, grand libérateur, Django en treillis… Au choix. « Le communisme n’est pas une attitude intellectuelle, une attitude rationnelle face aux problèmes. Il faut avoir un sentiment, une vocation révolutionnaire. J’avais la vocation révolutionnaire. » Paroles de Fidel Castro, maître de la formule, du bon verbe virant au slogan. Le poids des mots dans la tête. Le goût de la photo glamour aussi. Castro a une gueule, il le sait (ou le savait), a su en jouer aussi.

À l’instar de Being W, consacré à Bush junior, et de Dans la peau de Jacques Chirac , ce Castro est une « autobiographie non autorisée » , signée une nouvelle fois par Karl Zéro et Daisy d’Errata. Une lecture du Lider Maximo hors des clous. Une lecture sans légendes ni sous-titres. Mais un commentaire caustique à la première personne (Pierre Arditi, en voix off, épousant la voix de Fidel Castro) qui suit une ligne directrice : démystifier. Se démarquer. En soi un exercice de style. Dans la peau de Fidel Castro n’est assurément pas un documentaire classique, filant de l’introduction à son épilogue. Il n’y a pas là (ou peu) de souci pédagogique. Le film est à voir comme une introduction au personnage politique, une introduction décalée (voire déjantée, sûrement déplaisante pour les castristes). Entre fictionnalisation et récit propre au documentaire, il tient d’abord sur le montage, livrant un portrait non pas dans sa chronologie mais en petites touches, façon kaléidoscope. Portrait en mille et une facettes et autant de fenêtres. À vrai dire, un demi-siècle de pouvoir, ça laisse une marge dans le choix des chapitres pour évoquer « le dernier géant de l’histoire ».

L’éducation religieuse auprès d’une mère profondément catholique et chez les pères jésuites, le débarquement du Granma, cinquante années de lutte contre les États-Unis, les compagnons de route, tels Cienfuegos et le Che, la réception de Jean-Paul II, le sens de la dramaturgie ou le goût de la théâtralisation, la volonté de tout gérer, l’omniprésence au pouvoir, l’irrésistible attrait du détail, jusque dans les poulaillers industriels, l’immense capacité de travail… Les archives soulignent le trait. Des images souvent rares, comme celles du Che, enfant, arc-bouté sur une bicyclette, ou de Castro au pis des vaches. De bout en bout, du revu et corrigé qui déboulonne à l’envi et dans l’humour. Et en dérangera plus d’un.

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