Courrier des lecteurs 1087
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Les deux journalistes de France 3 enlevés en Afghanistan auraient fait preuve, d’après Nicolas Sarkozy, d’un comportement inconscient. Une chose est certaine : s’il était journaliste, ce n’est sûrement pas lui qui serait allé se mettre ainsi dans la gueule du loup, vu la façon dont il se comporte chaque fois que sa fonction lui présente un déplacement difficile : soit il se défile (on attend toujours son retour sur la dalle d’Argenteuil), soit il fait en sorte de réunir un parterre ne comportant que des militants UMP, soit il envoie François Fillon, comme le 14 janvier, face au monde de la justice, pour l’audience solennelle de la Cour de cassation.
Jean-Jacques Corrio,
Les Pennes-Mirabeau (13)
Adieu à Daniel Bensaïd
Mardi 12 janvier, Daniel Bensaïd est mort. Le lendemain l’Humanité publiait de lui un très beau portrait. Il parle devant un micro. Son visage est anguleux. Sa joue droite s’affaisse légèrement, soulignée par une ride. Sa maigreur trahit la fatigue. Mais il a, derrière ses lunettes, un regard qui semble percer l’objet pour atteindre l’idée, et qui s’égare dans un lointain connu de lui seul. Il lève un index annonciateur, comme s’il voulait susciter l’attention d’un auditoire appelé à entendre quelque paradoxe qui pulvérise les lieux communs ou à méditer une de ces abstractions qui marquent sa manière. La coïncidence a voulu que mon livre de chevet actuel soit justement cet Éloge de la résistance à l’air du temps qu’il venait d’écrire. Je le suis de loin dans une pensée difficile où s’épanouit un marxisme critique. Sur le chemin encombré des idées, c’est un compagnon de bon aloi vers qui on va en quête de la bonne orientation politique, comme on userait d’une boussole. […] Je ne le connaissais pas personnellement. Je ne l’ai jamais vu ni entendu. Je regrette aujourd’hui de ne pas avoir honoré les invitations d’amis de la LCR à aller l’entendre aux journées d’été de Leucate. Voici venu le temps de l’absence. Je mesure le désarroi de ses camarades de parti à l’aune de ma propre tristesse.
Georges Apap, Béziers
L’Afpa en détresse
Salarié de l’Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), je souhaite donner quelques informations au sujet de son démantèlement […]. L’Afpa est, comme d’autres organismes, victime du transfert d’activités de l’État vers les collectivités territoriales et, à terme, susceptible d’être privatisée. Jusqu’à maintenant, c’est directement par l’État que l’Afpa disposait de fonds pour la formation professionnelle et la reconversion des chômeurs
(de 17 à plus de 50 ans).
Aujourd’hui, l’État se désengage,
et c’est chaque conseil régional (loi d’août 2004) qui dispose de ce budget. Celui-ci pourra être attribué à d’autres organismes de formation, suivant des appels d’offres. Les conséquences se font déjà sentir : des programmes de formation raccourcis, avec de moins en moins de matériel et moins de personnel pour plus de compétences à développer et de production (gel des embauches, abandon des contrats CDD, fin du service d’orientation – de 2000 à 3 500 emplois sur 12 000 vont disparaître), les formations non rentables supprimées, l’externalisation de services entiers. C’est aussi la fin d’une gestion tenant compte des revenus des stagiaires : la fin de l’hébergement gratuit pour les bénéficiaires éloignés de leur centre de formation, un prix des repas plus élevé. Et cela au détriment des usagers et du personnel déjà en souffrance (comme à Pôle emploi, France Télécom, La Poste…). Bref, pour s’aligner sur la concurrence, une offre de formation au rabais.
En interne, on ne parle plus de pédagogie, mais d’« heure travaillée stagiaire ». On n’écoute plus les difficultés des stagiaires en termes social, sanitaire ou d’apprentissage, mais on nous demande de nous impliquer dans l’entreprise en décortiquant des tableaux comptables, avec une concurrence interne se profilant entre les formations (et bientôt entre agents ?). On constate aussi de nouveaux conflits entre secteurs
– formation, administratif, commercial – et finalement entre usagers avec, par exemple, « le recrutement » de publics prioritaires coûte que coûte (travailleurs handicapés, reclassement professionnel, CIF, ultra-marins).
Pourtant, depuis trois ans, les mouvements se multiplient : grèves, interpellation des administrateurs, mobilisations. Mais nous ne sommes pas entendus.
L’Afpa va perdre sa spécificité de mission publique, qu’elle assure depuis soixante ans et que beaucoup d’usagers connaissent. Elle va se transformer en entreprise privée, avec les dégâts que laisse supposer ce genre de « réforme ». Combien de temps pourra-t-elle tenir ? Lors de l’assemblée générale du 22 décembre 2009 et la présentation, dans une ambiance sinistre, du plan stratégique aux administrateurs (représentation syndicale, patronale, régionale, État), personne n’était dupe.
Un salarié de l’Afpa
Après lecture de l’article sur la Marche pour la paix à Gaza et la tribune de Michèle Sibony parus dans le n° 1084 de Politis , je voudrais savoir ce qu’il en est des démarches pour la création d’un Tribunal Russell afin de juger les actions d’Israël à Gaza en 2008. […] Par ailleurs, je voudrais formuler une réflexion alors que s’ouvre le procès des « Conti » : après les fermetures d’usines liées à la construction automobile, on apprend que l’année 2009 a été bien meilleure que 2008 pour les constructeurs (français, du moins). Et, après les fortes chutes de neige, on découvre (en Haute-Loire) qu’il n’y a plus de stocks de pneus neige et qu’il ne faut guère compter sur un réapprovisionnement. Où est l’erreur ?
Hélène Crémillieux,
Le Monastier-sur-Gazeille (43)
La première session internationale du Tribunal Russell sur la Palestine aura lieu à Barcelone, les 1, 2 et 3 mars. Vous trouverez des informations sur : [->www.russell
tribunalonpalestine.org]
Le plan fret : une aberration sociale et écologique
Le gouvernement a annoncé à l’automne 2009 la mise en place d’un « grand plan » pour le fret ferroviaire. Nicolas Sarkozy a ainsi cherché à montrer sa conversion à l’écologie. La réalité est très différente. […] Ce « plan fret » accélère en effet le processus de privatisation de la SNCF. Par exemple, il prévoit la division du fret ferroviaire en entités par types de « produits » (les céréales, l’acier, le charbon…) : l’art de diviser pour mieux privatiser. Par ailleurs, on va transférer certaines activités dans des filiales SNCF de droit privé. Ainsi, le gouvernement et la SNCF soutiennent la création de PME ferroviaires locales pour les activités de fret dans les sept principaux ports de marchandises en France. Ces entreprises aux conditions de sécurité et de travail dégradées seront au départ des filiales SNCF, avec un capital ouvert aux ports, aux chambres de commerce et d’industrie, etc. Ces filiales, qui créent une concurrence interne, sont donc un processus d’éclatement et de privatisation.
Pour essayer de mieux faire passer cette privatisation auprès de l’opinion, on agit comme à La Poste. L’État se désengage, et le service rendu est dégradé. Quand l’âge moyen des locomotives est de 37 ans, comment éviter les pannes et donc les retards ?
Il existe peu de compagnies privées, et elles cherchent surtout à se former pour se préparer à l’ouverture du marché des voyageurs. Mais les pertes sont énormes. Veolia a dû revendre sa filiale. Euro Cargo Rail (ECR), filiale de Deutsche Bahn, effectue des contrats à perte pour pouvoir s’implanter sur le marché. Aujourd’hui, le privé représente 12 % du fret.
Cette privatisation pose de nombreuses questions : conditions de travail, présence sur tout le territoire… et sécurité. Les trains privés ont déjà connu plusieurs accidents très graves, comme à Montauban, en avril 2008, où la vérification des freins a été mise en cause. Malgré l’investigation du Bureau enquête accident (BEA), aucune mesure n’a été prise. Attend-on, comme au Royaume-Uni, des morts pour réagir ?
L’argument utilisé pour justifier la privatisation est que cela favorisera l’accroissement de l’activité fret. Faux. Tout est fait pour réduire le transport de marchandises sur des trains. Malgré les beaux discours du Grenelle de l’environnement ou de Copenhague, on veut détruire le fret ferroviaire en France.
En vingt ans, les trafics routiers ont doublé quand les trafics ferroviaires diminuaient de 20 %. Pourquoi ? Principalement parce que le fret est soumis à la concurrence de la route ! Car, en utilisant le transport routier, les entreprises ne paient pas la réalité du coût de ces transports, qui revient à la collectivité (infrastructures, accidents, pollution, bruit…). Le coût payé par la collectivité pour le transport routier est quatre fois plus important que pour le transport ferroviaire ! En revanche, pour accéder aux rails et faire rouler un train, la SNCF paie une redevance au Réseau ferré de France (RFF), alors que toutes les routes nationales et une partie des autoroutes sont gratuites. […]
Un des aspects principaux du « plan fret » prévoit la suppression de 60 % des wagons isolés, « non bénéficiaires » et nécessitant des effectifs humains importants. Les « wagons isolés » sont la possibilité pour une entreprise de n’utiliser qu’un wagon, ensuite relié à ceux d’autres entreprises pour former un train. La SNCF ne propose plus ce service aux entreprises, ou plutôt elle en a fortement augmenté le tarif : on a multiplié par cinq le prix du wagon isolé ! Et, surprise, les entreprises se tournent vers les camions !
Dans cette entreprise de destruction du fret ferroviaire, RFF est le bras armé de l’État. En effet, RFF est une entreprise publique, donc ses tarifs sont fixés par l’État. Or, au mois de novembre, soit deux mois après l’annonce du « plan fret », RFF a décidé d’augmenter de 98 % la redevance payée par la SNCF pour pouvoir utiliser les infrastructures des gares de triage. Pour chaque gare de triage, quel que soit le nombre de wagons traités, la SNCF doit payer 250 000 euros par mois à RFF. […]
L’objectif du gouvernement est de fermer, dans les deux ans, huit gares de triage sur les onze qui existent encore. […]
Cette politique menée pour réduire l’activité du fret a déjà des conséquences à Sotteville. Jusqu’en 2002, le tri se faisait en 3/8, autrement dit 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Actuellement, on en est à 1/8 ; l’activité de tri se limite à 13 h 30-21 h 30, du dimanche au jeudi. Sans une forte mobilisation, la gare de triage de Sotteville fermera le 11 avril 2010. Sur les 250 cheminots qui y travaillent, il n’en resterait que 50 pour une activité extrêmement réduite. Ce plan fret est donc une aberration sociale. Et la SNCF sait faire en sorte que les cheminots réagissent le moins possible. On a développé une pression très forte sur les salariés ; par exemple, on effectue des contrôles les jours où il n’y a aucune activité pour vérifier que les salariés sont présents de la première à la dernière minute à attendre que la journée soit terminée. Aussi, quand, en juin 2009, on a supprimé près de 40 postes à Sotteville, la mobilisation a été relativement réduite. Et certains cheminots attendent toujours des propositions de reconversion.
Cette politique est aussi une aberration écologique. La suppression de ces wagons isolés entraînera, selon les estimations, la mise sur les routes de 500 000 à 2 millions de camions par an. Les transports sont responsables de 27 % des émissions de gaz à effets de serre. Le transport routier en représente 91 %. Des marchandises transportées par camion produisent 12 fois plus de CO2 que par train. À l’heure du dérèglement climatique, la réduction du transport routier est une nécessité. Et c’est possible ! On peut par exemple s’inspirer de la Suisse, qui a interdit le transport des marchandises par camions sur une grande distance. […]
Face à ce qui s’annonce comme une
catastrophe pour notre commune M. Bourguignon, député maire, reste extrêmement discret. Est-ce parce que son unique obsession sur le sujet est de récupérer les terrains laissés vacants par la SNCF ?
Benoît Hébert, conseiller municipal
de Sotteville-les-Rouen, les Alternatifs, groupe Sotteville à Gauche vraiment