En défense de la démocratie locale

Communistes et socialistes entendent bien profiter de la campagne pour populariser leur opposition à la réforme des collectivités territoriales.

Michel Soudais  • 21 janvier 2010 abonné·es

La campagne des régionales a fait irruption au Sénat et à l’Assemblée nationale, où les parlementaires débattent de deux des premiers textes présentés par le gouvernement pour réformer l’organisation des collectivités territoriales. Un chantier, voulu par Nicolas Sarkozy ( Politis n° 1077), qui fait des vagues jusqu’au sein de la majorité, et contre lequel socialistes et communistes entendent se dresser avec d’autant plus de force qu’il va affecter le rôle et la mission des conseils régionaux soumis à renouvellement les 14 et 21 mars.

Mardi, la Haute Assemblée a en effet commencé l’examen du projet de loi créant dès 2014 le très controversé « conseiller territorial » qui devrait être à la fois conseiller général et conseiller régional. Le projet fixe également les nouvelles modalités de fonctionnement des collectivités locales, parachève l’intercommunalité, crée des métropoles et rend possible la fusion de départements et de régions. Le même jour, les députés se penchaient sur le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux. Déjà adopté par le Sénat, le 16 décembre, ce texte écourte les mandats des élus de ces assemblées afin qu’ils cèdent leur place aux conseillers territoriaux en 2014. Il doit être adopté avant fin janvier pour être appliqué dès les régionales de mars.

Avant même l’ouverture des débats, les discussions promettaient d’être animées. Plus de 600 amendements ont été déposés au Sénat, dont une large moitié par la gauche. La discussion devrait y durer trois semaines, mais les communistes comme les socialistes escomptent bien se faire entendre au-dehors. Le PCF, qui estime que la réforme des institutions locales menace la démocratie, comme il le résume sur une affiche, avait appelé à manifester mardi midi près du palais du Luxembourg. Ses élus multiplient les réunions publiques pour expliquer que «  ce qui est en jeu, ce sont la ­souveraineté populaire, les services publics locaux, le vivre ensemble tel qu’il se bâtit sur nos territoires ».

Les socialistes sont aussi « à l’offensive » . Conférence de presse, motions adoptées par les collectivités qu’ils dirigent, création d’un site Internet… Rien n’est négligé pour expliquer une réforme en apparence technique. Et c’est Laurent Fabius qui mène la charge. D’abord contre le souci du gouvernement de « saucissonner son projet » en plusieurs textes, « comme s’il voulait mettre en tronçons le cadavre de la décentralisation ».

Car, pour l’ancien Premier ministre, la réforme est à la fois « une régression financière » avec la suppression de la taxe professionnelle, principale ressource des collectivités, déjà votée et (insuffisamment) remplacée par la contribution économique territoriale formée d’une cotisation foncière et de la cotisation sur la valeur ajoutée payée par les entreprises, ce qui va conduire à une « baisse des services publics » et à « une augmentation des impôts des ménages » . « Une régression territoriale » qui organise une « recentralisation » . Et une « régression démocratique » du fait notamment du nouveau mode de scrutin prévu pour élire les conseillers territoriaux. Ce scrutin uninominal à un tour, appliqué à 80 % des élus – les 20 % ­restants étant désignés à la proportionnelle –aboutira à élire des « élus minoritaires » puisque seront élus ceux qui arriveront en tête au premier tour ; il fera aussi régresser la parité, que favorisent au contraire les scrutins de liste.

À sept semaines des élections régionales, le PS, qui réclame que cette réforme soit soumise à référendum, a bien l’intention de faire valoir ses arguments dans la campagne. Réunions publiques, pétitions… « C’est compliqué » , reconnaît toutefois Laurent Fabius. Si bien que «  le travail de pédagogie à faire » visera surtout les contradictions des candidats de l’UMP. Avec un leitmotiv : ils proposent plein de choses, mais leur réforme va supprimer la capacité d’agir des régions. « Il est difficile de plaider pour la décentralisation dans les régions et voter la recentralisation à Paris », résume l’ancien Premier ministre.
Fort du constat que « cette réforme, lorsqu’elle est expliquée, provoque beaucoup d’émotion » , les communistes comptent eux aussi mettre à profit la campagne pour alerter les électeurs. Et, indique Pierre Dharréville dans le rapport introductif au dernier conseil national du PCF, « obliger toute la gauche, qui parfois fait montre d’un brin de timidité, à mener cette bataille, de manière frontale ». Au nom de la démocratie.

Politique
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