Ineptie vaincra
dans l’hebdo N° 1085 Acheter ce numéro
Il y a, certes, quelques – incontestables – points de comparaison raisonnables entre la droite française des années 1930 et la droite française qui ces temps-ci étend sur nos vies son emprise.
De la même façon, par exemple, que la droite des années 1930 n’aimait pas tellement les juifs – elle préférait, avec le patronat de l’époque, Hitler à Léon Blum – et brandissait volontiers la menace d’un imaginaire « judéo-bolchevisme », la droite des années 2000 n’aime pas tellement les mahométans, et brandit volontiers, si j’en crois ses clercs d’accompagnement (et de proximité), la menace d’un imaginaire « islamo-gauchisme ».
Pour autant – et nonobstant ces quelques similitudes : il ne sied point de comparer la droite « nouvelle » – je me comprends – avec sa grand-mère.
Cela, c’est Bernard-Henri Lévy – le philosophe – qui le dit.
(Perso, je serais plutôt pour qu’on se décide enfin à bien réaliser que la « nouvelle » droite – je me comprends – pue la haine ancienne, et pour qu’on se décide enfin à ne plus tolérer au pouvoir ce contre quoi nous avons manifesté en 2002 – comme disait fort bien le camarade Sieffert, ici même, la semaine dernière [^2].)
BHL est formel : comparer la droite régimaire qui prétend régner sur nos vies à celle des années 1930 et 1940, « c’est tout simplement inepte » – vient-il d’expliquer dans le Point.
Et certes encore : dans la vraie vie, comme l’a montré Serge Halimi [^3], BHL ne s’interdit pas de crier parfois que les gens qui ne sont pas du même avis que lui sont peu ou prou des nazis, et que, par exemple, « l’antiaméricanisme » de Pierre Bourdieu présentait de « troubles assonances » avec celui « d’Arthur Van den Bruck, inventeur de la formule “Troisième Reich” » – ou que le « style » de Chomsky « ramène […] a ux délires de la police tsariste fabriquant son fameux faux censé prouver la domination du monde par les juifs ».
En somme : BHL voit en de nombreux endroits des hitlériens imaginaires, mais juge inconvenant qu’on puisse même envisager de comparer ce qu’il y a de – véritablement – comparable, entre la droite d’antan et celle qui de nos jours excite les phobies dégueulasses de son électorat.
Et bon, ce n’est pas comme si nous découvrions l’extravagance du personnage – mais force est de constater qu’il compte au fond au nombre des plus fidèles protecteurs de la droite régnante : ceux qui, interdisant qu’on l’identifie pour ce qu’elle est, l’assurent, pour l’instant, d’une totale impunité.
[^2]: Tu l’auras deviné : je m’apprête à demander au camarade Sieffert une très substantielle augmentation de mon émolument – en coupures usagées, dont les numéros ne se suivent pas, merci, Denis.
[^3]: « Tous nazis ! », le Monde diplomatique, novembre 2007.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.