Le PCF fait de la résistance
L’autre gauche tient son premier meeting commun dimanche, à Paris. Mais la composition des listes « Ensemble pour des régions à gauche… » n’est pas encore bouclée.
dans l’hebdo N° 1084 Acheter ce numéro
Marie-George Buffet voulait un accord « avant la bûche ». C’est raté. Les négociations au sein de la gauche de gauche se sont prolongées durant la trêve de confiseurs. Sur le mode de fonctionnement des listes « Ensemble pour des régions à gauche, solidaires, écologiques et citoyennes », qui doivent rassembler dans dix-sept régions les formations du Front de gauche (PCF, PG, GU) et, notamment, la Fédération pour une alternative sociale et écologique (FASE) et les Alternatifs. Sur leur logo, le programme… Mais c’est surtout sur la composition de ces listes que les discussions sont les plus tendues. Et, à cinq jours du grand meeting de lancement de la campagne, qui se tient dimanche au palais des Congrès de Paris, plusieurs désaccords subsistaient.
« La négociation est difficile » , constatait lundi soir Jean-Jacques Boislaroussie, qui note que « la discussion se fait entre le PCF, qui a l’appui fidèle de la Gauche unitaire (GU), et tous les autres ». Même pour le meeting de dimanche, « il a fallu batailler » raconte le porte-parole des Alternatifs : initialement, il était prévu que les organisations qui ne sont pas membres du Front de gauche n’auraient que… deux minutes de temps de parole ; elles en auront six. Les discussions sont encore plus rudes pour constituer les listes et s’entendre sur le nombre de places éligibles accordées à chacun. Si tous conçoivent la nécessité de montrer la diversité du Front de gauche et de faire de la place aux autres forces, sa concrétisation est une autre affaire.
Là, ce sont clairement les communistes qui sont montrés du doigt pour ne pas faire assez de place à leurs partenaires. « Entre leur vote et sa mise en application, il y a un écart important », déplore Pierre Cours-Salies, de la FASE. Pour Jean-Jacques Boislaroussie, dont la formation réclame la tête de liste en Poitou-Charentes et dans cinq départements (Doubs, Bas-Rhin, Gers, Ain, Yvelines ou Val-d’Oise), « ces difficultés » traduisent côté PCF « de vraies crispations au sommet et l’autonomie croissante des fédérations et des régions » . Il n’est pas rare en effet que les promesses faites place du Colonel-Fabien ne se concrétisent pas localement.
Mi-décembre, le PCF avait offert à ses partenaires du Front de gauche de conduire chacun une liste dans « une grande région rassemblant huit départements : le PCF en Île-de-France, le Parti de gauche en Rhône-Alpes et la Gauche unitaire en Midi-Pyrénées » . Il avait proposé également au PG de conduire les listes de quatre autres régions : Languedoc-Roussillon, Pays de Loire, Aquitaine, Poitou-Charentes, et 17 listes départementales ; à la GU, de conduire 3 listes départementales.
L’enlisement des discussions sur ces propositions jugées insuffisantes a conduit Jean-Luc Mélenchon à piquer une colère, en pleine trêve des confiseurs. Sur son blog, le 30 décembre, le président du PG s’est dit « écœuré par cette négociation sans fin sur les régionales » : « On se croirait chez les gauchistes de la grande époque : palabres sans fin, convocation à des dates extravagantes en pleine pause de Noël et du jour de l’an, coups fourrés, mensonges en miroir, suaves cécités et ainsi de suite. » « Dans le moment où l’on conclut, il est normal qu’il y ait de la tension » , philosophait lundi Francis Parny, le négociateur du PCF. « Les tensions sont normales », acquiesce Christian Picquet, porte-parole de la GU, qui reste « persuadé que chacun fera des efforts dans la dernière ligne droite » parce que « l’enjeu est de sauver la gauche ».
Après un nouveau dimanche après-midi de discussions avec le PG, le comité exécutif national du PCF venait de proposer à son partenaire la direction de cinq listes régionales, dont la Franche-Comté en échange de Poitou-Charentes, que le PG n’avait jamais réclamée, et dix-neuf listes départementales. Ces propositions « assureront environ 25 % des élus au PG », indique le PCF dans un communiqué. Une avancée accueillie avec réserve par Éric Coquerel : « Sur le nombre des éligibles et les départements, elle répond en partie à nos demandes, mais il manque des choses importantes » , pointait le secrétaire national aux relations extérieures du PG avant une nouvelle rencontre de l’ensemble des partenaires, mardi soir.
Avant tout accord, le PG attendait de savoir s’il pourrait conduire une liste dans la Drôme, le Tarn et le Var. Il souhaitait aussi que le PCF accepte la présence du NPA sur les listes de la Franche-Comté et des Pays-de-Loire, où deux fédérations du PCF contestent le choix des militants et feront liste commune avec le PS, avant d’accepter de conduire les listes dans ces deux régions où le Front de gauche a fait moins de 5 % aux européennes. Une hypothèse encore rejetée lundi soir par Francis Parny : le PCF veut bien accueillir « des minoritaires » du NPA mais refuse tout « accord avec le NPA ès qualités ». Et cela au nom d’une cohérence nationale que le PCF refuse d’imposer dans ses rangs.
Dans les cinq régions où ils feront listes communes avec le PS au premier tour, « les communistes tiendront le même discours que les communistes des listes “Ensemble” en termes d’objectif stratégique » , assure Francis Parny. De même minimise-t-il les coups de canif portés au rassemblement dans plusieurs régions (Île-de-France, Languedoc-Roussillon, Paca, Picardie…) par des élus sortants du PCF, souvent vice-présidents de région, qui figureront sur les listes socialistes dès le premier tour.
Des « épiphénomènes » , assure Francis Parny, qui indique que ces élus « ne pourront pas se réclamer du sigle PCF » . Pour autant, prévient-il, « on ne les passera pas à la guillotine, on n’a même plus de faucille sur notre drapeau ».