Les Verts, troisième parti de France ?
Europe Écologie a lancé sa campagne. Il lui sera difficile de passer devant le PS, mais le mouvement vise au moins 15 % afin de négocier un vrai partenariat avec lui.
dans l’hebdo N° 1086 Acheter ce numéro
Près de 2 000 participants ont assisté, samedi à Montreuil (93), au meeting de lancement de la campagne d’Europe Écologie pour les élections régionales. Pas un parlementaire écologiste national ou européen ne manque à l’appel, pas un cadre Vert, ou presque. Noël Mamère est absent, mais aucune bouderie en vue. Ancien secrétaire d’État Vert à l’Économie solidaire du gouvernement Jospin, Guy Hascoët est de retour, après une longue pause politique : il est tête de liste en Bretagne. Longtemps sur ses gardes face à Europe Écologie, objet flou, la maire de la ville, Dominique Voynet, est ravie. Les têtes de listes régionales sont présentes, avec leurs vedettes « non-Vertes » : Philippe Meirieu (Rhône-Alpes), Laurence Vichnievsky (Provence-Alpes-Côte d’Azur), Éric Loiselet (Champagne-Ardennes), François Dufour (Basse-Normandie). On donne avec plaisir la parole à Stéphane Gatignon, maire ex-PCF de Sevran (93) ; on cite le récent ralliement de Jacques Perreux, vice-président communiste du Val-de-Marne. « L’aventure continue » , jubile Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts. En pleine confiance, Europe Écologie a gagné son premier pari : la dynamique des européennes n’a pas faibli après les 16,28 % historiques du 7 juin 2009. Juste derrière les socialistes.
« Il faut maintenant passer devant ! », lance Augustin Legrand, porte-parole des Enfants de Don Quichotte, troisième sur la liste de Paris. La sénatrice Verte Marie-Christine Blandin, présidente surprise du Nord-Pas-de-Calais en 1992, se charge de l’exégèse historique : « Mon improbable trajectoire devient le destin logique d’Europe Écologie en 2010. » Enlever des régions – Île-de-France, Rhône-Alpes, Alsace ? Cette dernière, tenue par l’UMP, pourrait basculer grâce au ralliement d’Antoine Waechter, président du Mouvement écologiste indépendant, deuxième de liste dans le Haut-Rhin.
Les derniers sondages montrent cependant un tassement d’Europe Écologie [^2]. Daniel Cohn-Bendit préfère rappeler le trajet parcouru. « Devancer le PS… Il n’est pas interdit de rêver, mais gardons les pieds sur terre. Le minimum syndical, aujourd’hui, c’est 15 %. Pourtant, avec de telles prétentions, on nous aurait traités de fous il y a un an et demi à peine. » Les Verts avaient élu 168 conseillers régionaux en 2004, Europe Écologie peut en espérer 350 en mars.
Pour l’inspirateur du mouvement, la première ambition doit être de confirmer une position de 3e force politique du pays. Derrière les socialistes, donc. « Mais si ces élections sont conformes à nos attentes, elles marqueront la fin de l’hégémonie du PS sur la gauche. Nous pourrons négocier un programme d’alliance avec lui, base de ralliement pour d’autres partenaires potentiels, y compris le MoDem. Et nous serions en mesure de revendiquer entre 50 et 100 députés dans la prochaine Assemblée nationale ! »
Pour parvenir à ses fins, Europe Écologie devra d’abord s’affirmer sur son terrain, celui de l’écologie : le thème devrait être très présent lors des régionales, avec les ambitions récentes de l’UMP d’inventer une « écologie populaire » et celles du PS d’être le champion d’une « écologie sociale » . Les orateurs raillent de mauvaises copies. « Sarkozy veut plumer le peuple, et les socialistes ont renoncé à leurs idéaux. L’écologie politique que nous incarnons veut combattre les inégalités sociales et écologiques » , défend Cécile Duflot. Eva Joly, nouvelle icône écologiste, explique à la salle que « Bové, Jadot, Joly font la différence au Parlement européen ».
Mais la préoccupation principale du mouvement est ailleurs : comment convaincre de sa capacité de gestionnaire ? Dominique Voynet, maire d’une ville de 100 000 habitants, fustige « ceux qui, à droite comme à gauche, prétendent faire de l’écologie qui ne gère rien, se contentant de grandes envolées au Grenelle ou à Copenhague. Ici, il n’y a personne qui ne soit capable de relever le gant face aux défis qui se posent. »
Un sondage OpinionWay montre-t-il que 57 % des Français pensent que les écologistes ne sont pas capables de diriger un conseil régional ? « Mais ce qui compte, c’est qu’à gauche, largement en tête pour les régionales, 58 % des électeurs pensent le contraire » , s’agace Cohn-Bendit. Sa stratégie, c’est de présenter une vision nationale derrière les campagnes locales. Un rôle que joue en partie la reconduction de la méthode « Europe Écologie », avec la parité tant bien que mal respectée, dans toutes les régions, entre candidatures et têtes de listes Vertes et non-Vertes. « Nous défendons aussi une gestion collective opposée à la gestion individuelle : le PS, à la tête de 20 des 22 conseils régionaux de métropole, s’est montré incapable d’élaborer une politique nationale cohérente pour ériger les régions en contre-pouvoir à Sarkozy. »
Navire amiral à la manœuvre : la région Île-de-France, avec Cécile Duflot pour tête de liste, intronisée par ses aînés. « Nous avons décidé qu’elle s’exprimerait en dernier aujourd’hui, et pas moi… » , justifie Daniel Cohn-Bendit. « Nous avons impérativement besoin de Cécile à la tête de la région », appuie Dominique Voynet, un brin maternelle. L’équipe francilienne a été peaufinée, avec notamment Robert Lion, ancien chef de cabinet du Premier ministre Pierre Mauroy, tête de liste à Paris.
Duflot devant Huchon le 14 mars ? L’hypothèse est jusqu’à présent démentie par les sondages. Jean-Marc Brûlé, chargé des élections au collège exécutif des Verts, rappelle cependant qu’Europe Écologie avait été devancée par le MoDem jusqu’à la dernière semaine des européennes. Convaincus de tenir enfin le bon bout, les écologistes se prennent à rêver d’un nouveau coup de rein décisif en mars prochain, face aux socialistes.
[^2]: CSA, dimanche 17 janvier : Europe Écologie (15 %) est devancée par le PS (22 %). L’UMP est devant avec 33 %.)