Libres paroles de détenus
dans l’hebdo N° 1084 Acheter ce numéro
L’année 2009 a été celle de la loi pénitentiaire. Une loi annoncée en juillet 2007, attendue depuis quatre à cinq lustres. Prévue pour sortir une bonne fois pour toutes de la honte de la République. Cette République française, condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne de justice pour « traitements inhumains et dégradants » à l’intérieur de ses prisons. La loi a été promulguée en novembre. Entre autres mesures, elle instaure un nouveau moratoire sur le principe de l’encellulement individuel, poursuit la pratique du mitard, établit les régimes différenciés. Rien de bouleversant sinon un renforcement du tout-sécuritaire. Le gouvernement promet également plus de prisons. Mais c’est une loi d’airain : plus on construit, plus on remplit. A fortiori quand la justice s’obstine à enfermer en plus grand nombre et toujours plus longtemps, quand politique pénale et politique pénitentiaire restent indissociables.
L’opinion publique s’en détourne. Elle ne supporte pas qu’on vienne lui souffler l’inhumanité de la prison. Il n’empêche : reste une surpopulation carcérale qui dépasse des taux d’occupation au-dessus de 120 % dans les maisons d’arrêt, un nombre de suicides croissant, des difficultés d’accès aux soins et à l’enseignement, une réinsertion effacée devant la sécurité, des personnels mécontents, des crédits insuffisants. Au diapason de l’extérieur, de façon exacerbée.
Dans ce contexte difficile, Politis a lancé un appel à témoignages sur les conditions d’incarcération, voulu donner la parole aux prisonniers. Appel délicat quand on sait que toute la presse n’entre pas en prison, quand les détenus se confient difficilement, que les échanges de courrier sont parfois lus, censurés, que tout témoignage est mal perçu par l’administration pénitentiaire et la justice. Malgré tout, les témoignages n’ont pas manqué. Et de maison d’arrêt en centre de détention, de détails du quotidien en réflexions, au-delà des conditions d’emprisonnement, c’est bien la réalité de la vie carcérale qui se dessine ici. Sans fioritures, brute, et trempée d’humanité.