Mano Solo, soif de la vie
Mano Solo disait des chemins de douleur
mais aussi d’envie.
dans l’hebdo N° 1085 Acheter ce numéro
«J’ai la mort aux trousses qui me fout les foies/Qui me hante, qui me tente/Qui me vante son antre. » Mano Solo est mort le 10 janvier, jour glacial et plombé comme il en chantait. Il avait 46 ans. Plus tard qu’il n’aurait cru : « À 24 ans du matin la mort m’a serré la main et en me tapant dans le dos elle m’a dit salut et à bientôt. » Il lui a bien fait la nique, à la faucheuse. « À 15 ans du matin, j’ai pris par un drôle de chemin, des épines plein les bras je me suis troué la peau mille fois »…
Mano Solo se savait séropositif depuis 1986, et atteint du sida depuis 1995. Fils du dessinateur Cabu et de la militante écologiste Isabelle Monin, Emmanuel Cabut a commencé comme guitariste dans un groupe punk. Habile du pinceau et de la plume, il a publié six albums java-rock-jazzy, empruntant aux rythmes afros et latinos. Parigot en diable, il définissait le chanteur engagé comme « quelqu’un qui a assez de couilles pour dire ce qu’il pense sans avoir peur des mots ». Pour les ados des années 1990, l a Marmaille nue et les Années sombres ont sonné comme deux grosses claques.
Avec sa voix cassée de survivant, Mano Solo disait des chemins de douleur mais aussi d’envie. Dualité qu’on retrouve dans ses titres : des textes arrache-tripes mais une partition qui chaloupe, console, sourit. On se souvient de la clarinette emballante d’« Allô Paris », de la seringue glaçante d’« Au creux de ton bras », du marmot en point d’interrogation de « Pas du gâteau », et moins de la peine dans la rue et des bars qui puent que de la caresse un peu trash de son timbre, des casseroles à laisser au vestiaire, des coups de butoir qui écrasent le cafard, et de la pompe inlassable de « Soif de la vie »…