Marx pour les jeunes

Olivier Doubre  • 28 janvier 2010 abonné·es

Les éditions Thierry Magnier ont une production éditoriale principalement destinée à la jeunesse. Aussi, proposer une collection de sciences humaines s’adressant essentiellement aux adolescents et aux jeunes adultes peut sembler un pari osé, à une époque où il est de bon ton de penser que « les jeunes » ne lisent plus.

Dirigée par Guy Dreux, historien ayant fait ses classes aux côtés d’Arlette Farge et membre actif de l’Institut de recherche de la FSU, la collection « Troisième Culture » s’attelle depuis deux ans à faire mentir ce poncif en publiant des ouvrages accessibles mais exigeants, introduisant des auteurs ou des grandes questions de différentes disciplines, de l’histoire à l’économie, en passant par la sociologie ou les sciences politiques. Après des volumes sur Mai 1968 (Philippe Artières), Keynes (Gilles Dostaler) ou un vigoureux pamphlet contre l’idéologie néolibérale en matière de dépenses publiques ( Vive la dette !, de Marc Bousseyrol), son sixième opus ne propose rien de moins que de faire (re)découvrir Marx, sous la plume du sociologue et historien des idées Christian Laval. Présentant d’abord l’homme et son œuvre, ce bref essai didactique revient sur l’évolution de la pensée du philosophe de Trèves, pour qui « la lutte est le grand moteur de l’histoire » . L’auteur s’attache ainsi à expliquer la façon dont Marx a fait la « dissection » du capitalisme, ce qui fait qu’il peut encore grandement « nous aider à comprendre le monde dans lequel nous vivons » . Un capitalisme évidemment synonyme de lutte des classes, celle-ci étant « d’abord la lutte du capital pour soumettre le travail ».

Toutefois, loin d’une présentation simplement hagiographique, il n’omet pas de mettre en garde sur l’absurdité qui consisterait à « croire [que Marx] a pensé à l’avance tout ce que nous vivons » , et préfère guider le lecteur pour «  cerner les questions qu’il a pu se poser en son temps », repérer les concepts du penseur et suivre ses analyses, sans oublier de « pointer les hésitations qu’il a eues et les erreurs qu’il a commises ».

Aussi, dans un chapitre aussi bref qu’incisif, Christian Laval a tenu à souligner les « écueils » qu’il convient, selon lui, d’éviter pour pouvoir néanmoins « penser avec Marx » le XXIe siècle : ne pas reproduire en bloc sa théorie, d’une part, en feignant d’ignorer ses limites et ses contradictions, et, d’autre part, tenter « d’édulcorer sa pensée, d’affadir ses concepts et surtout d’accommoder sa doctrine au monde tel qu’il est » – tentative à la mode aujourd’hui chez certains. Christian Laval le rappelle en effet, Marx ne saurait être un produit de marketing éditorial, et sa pensée n’est pas « soluble » dans le capitalisme. Son nom est d’abord « synonyme de guerre contre un système d’exploitation qui n’est pas amendable en son principe même » . D’où le titre de ce petit volume, Marx au combat, qui vient finalement donner à réfléchir sur ce philosophe à part dans l’histoire de la philosophie, dont le nom même est associé traditionnellement au communisme.
Celui-ci, comme le rappelle Christian Laval, n’est, pour Marx, ni un État idéal ni une utopie, mais bien « le mouvement réel de l’histoire ».

Idées
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