On fermait nos gueules…
dans l’hebdo N° 1087 Acheter ce numéro
Comme pour qui douterait encore, nonobstant l’évidence, du caractère total(itair)ement obscène de la droite régimaire qui étend sur nous son emprise – et qu’il faudra bientôt remettre aux poubelles de l’Histoire : le Journal du dimanche , propriété (privée) d’un personnage qui aime à s’autoportraiturer en « frère » du chef de l’État français, a publié cette semaine de bouleversantes images de l’épouse de son frangin (Carla Bruni-Tedeschi-Sarkozy, donc) accueillant le 23 janvier « à Roissy » des « enfants d’Haïti » – et plus précisément « trente-trois orphelins haïtiens, âgés de 1 à 6 ans, […] déjà tous […] formellement adoptés » , il va de soi, et dont les « nouveaux parents » , également « présents à l’aéroport », mais qui n’apparaissent pas sur les photos où se montre l’épouse du chef de l’État français, « vivaient dans l’angoisse » , les pauvres.
Nul(le) ne saurait, après la publication de ces belles images, douter de l’affection que l’épouse du chef de l’État français porte aux petits enfants – n’est-ce pas ?
Sauf à se rappeler, bien sûr, l’infime détail que, durant qu’elle pose avec des orphelins d’Haïti pour les jolies photos que publiera son beau-« frère » dans son joli canard ?
Le chef de l’État français, quant à lui, continue de faire donner contre les sans-papiers sa troupe de zélés fonctionnaires – de ceux, tu sais, que rien, jamais, ne détourne de l’accomplissement des missions que leur confie l’État français, merde alors, j’ai rien fait de mal, j’obéissais aux ordres, moi…
Le Réseau éducation sans frontières (RESF) signalait ainsi, quelques jours avant le débarquement des petits Haïtiens, le cas, parmi tellement d’autres, d’Hyseni Limani, d’origine albanaise, arrêtée par l’État français le 12 janvier 2010 et incarcéré au centre de rétention du Mesnil-Amelot – en attendant d’être expulsé [^2].
Hyseni Limani, dont la vie est en France, a deux enfants : une petite fille, Besa, scolarisée en grande section de maternelle à Saint-Ouen, et un petit garçon de 2 ans, Berjam.
Dites adieu à votre papa, les enfants : le chef de l’État français a demandé qu’on vous l’enlève – pendant que le Journal du dimanche promotionne son épouse en émotive humaniste.
Quand vous serez plus grands, les enfants, il faudra qu’on vous explique ça – qu’on vous explique cette infamie. Qu’on vous dise, avec des mots simples : quand vous étiez petits, vous avez perdu votre père, non par l’effet d’une catastrophe naturelle, mais par celui d’une atrocité politique. Par la volonté d’un homme dont l’épouse, alors, a négligé de vous consoler – mais il est vrai aussi que vous n’étiez guère photogéniques.
Et nous, pendant ce temps-là ?
Ben, nous, pendant ce temps-là, j’essaie de vous le dire sans trop de honte : on fermait nos gueules…
[^2]: Il a été expulsé le 22 janvier.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.