Quelle police voulons-nous ?
Cette semaine, se tiennent les élections professionnelles dans la police. Elles se déroulent dans un climat de grande défiance vis-à-vis de l’institution. Que serait une « bonne » police ? Et qu’en disent les policiers eux-mêmes ?
dans l’hebdo N° 1086 Acheter ce numéro
Navarro, Nestor Burma, commissaire Moulin… Les Français adorent les flics à la télé. Pas dans la rue : 76 % d’entre eux se plaignent de la police nationale [^2]. Violences, bavures, multiplication et dégradation des gardes à vue, reconduites aux frontières, délits de faciès… La police a mauvaise mine. Et se sent mal, comprimée entre la dictature du chiffre et des effectifs en chute libre : la révision générale des politiques publiques (RGPP) prévoit de supprimer 10 % des policiers en tenue. Quel nouveau visage pour la police dans ce contexte ? Ce pourrait être l’un des thèmes des élections professionnelles qui ont lieu du 25 au 28 janvier. Les problèmes tiennent-ils à l’institution elle-même ? La police est-elle forcément inféodée au ministre de l’Intérieur ? À ce poste de 1997 à 2000, Jean-Pierre Chevènement a permis la mise en place d’une police de proximité, que Nicolas Sarkozy a supprimée après son arrivée place Beauvau en 2002. La « pol’prox » est pourtant largement perçue comme une bonne articulation entre prévention et répression ciblée, et le seul moyen, pour l’heure, de ne pas couper la police de la population.
En attendant, la « culture du résultat » continue ses ravages. Primes pour les interpellations, arrestations, contrôles, expulsions : comment une telle logique pourrait-elle ne pas dénaturer la notion de service et porter atteinte à l’exemplarité dont devraient se prévaloir les « gardiens de la paix » ? Tandis que le champ légal d’intervention de la police s’étend, notamment depuis Loi de sécurité intérieure de 2003, 84 % de Français estiment que les relations se sont dégradées [^3]. Ambiguë puisque naviguant historiquement entre la politique et le droit, l’institution est enlisée dans un fonctionnement ultra-hiérarchisé, peu démocratique et déférent envers le pouvoir. L’instance officielle de contrôle de la police manque d’indépendance, et l’existence de la Commission nationale de déontologie de la sécurité est menacée. Quatre ans après les émeutes de 2005, deux ans après ce « plan banlieue » qui ne donne rien, la situation est pourtant explosive.
[^2]: Libération du 5 janvier.
[^3]: Selon un sondage publié par Siné Hebdo, 13 janvier.