Accord en trompe-l’œil
Plutôt que d’interdire les pesticides dangereux, le gouvernement feint d’en restreindre l’usage.
dans l’hebdo N° 1091 Acheter ce numéro
Le ministère de l’Écologie prépare un « Accord-cadre relatif à l’usage des pesticides par les jardiniers amateurs » qui pourrait bien aider les industriels des pesticides chimiques, tout en feignant d’inciter à en réduire l’usage. Cette nouvelle opération ressemble à la création, il y a une quinzaine d’années, du Forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement (Farre), groupement d’agriculteurs lancé par la FNSEA et l’Union des industries pour la protection des plantes (UIPP), qui réunit tous les producteurs de traitements de synthèse. Il s’agissait de « blanchir » les agriculteurs qui utilisent encore 85 000 tonnes de produits chimiques, en inventant « l’agriculture raisonnée », destinée à faire croire, au nom d’un « contrat » d’une centaine d’engagements non contrôlés, que l’agriculture française faisait des efforts. Objectif : réhabiliter l’agrochimie en créant une confusion dans l’esprit des consommateurs. Les deux organisations, le Farre et l’UIPP, sont si proches que pendant des années elles ont eu la même adresse à Boulogne-Billancourt. Et il ne faut pas oublier le généreux financement des industriels dans cette entreprise de communication destinée à faire pièce à l’agriculture bio.
Les mêmes industriels récidivent avec les produits dangereux (pour eux et pour la nature) destinés aux jardiniers amateurs : l’accord a été rédigé sous l’égide de l’Union des entreprises pour la protection des jardins (UPJ), qui regroupe les mêmes sociétés. Non pas pour aller vers une interdiction des produits nocifs mais, comme pour l’agriculture raisonnée, pour annoncer une réduction (non chiffrée) des pesticides et des engrais de synthèse. Produits que trop de jardiniers utilisent sans précaution, tout en ne contribuant que pour 6 % de l’épandage de cochonneries dans le milieu naturel.
Dans les huit pages de l’accord en préparation, on peut notamment lire qu’il s’agit de faire découvrir aux jardiniers amateurs « les organismes nuisibles, leur nuisance et nuisibilité, les bonnes pratiques d’entretien du jardin » . On trouve encore la préconisation de « conseils des méthodes d’entretien les plus adaptées aux jardiniers amateurs et allant dans le sens d’un usage le plus modéré possible des pesticides chimiques lors de l’action de vente » . Il s’agit de faire croire que ces produits sont utiles, qu’ils ne sont pas dangereux en feignant d’en vendre un peu moins : « En cas de nécessité de recours aux pesticides, le choix des pesticides à impact environnemental et sanitaire faible sera systématiquement privilégié en fonction des risques dominants. » Un détail pour comprendre : le chiffre d’affaires des jardineries qui vendent les produits chimiques a dépassé 6 milliards d’euros en 2009.