Citoyen d’honneur

On peut y mettre tout et n’importe quoi, « et en même temps, ce n’est pas n’importe quoi » , précisent Nicolas Errera et Jean Croc, les deux animateurs du « Pudding » de Radio Nova. Tel est le cas de ce ­double numéro consacré à Stéphane Hessel, citoyen du monde – ou « citoyen sans frontières » , précise-t-il, avant de revenir sur un parcours en dehors des clous ordinaires. Né à Berlin en 1917, Stéphane Hessel vit une prime jeunesse allemande. Son père, Franz, est traducteur (de Proust, notamment) et écrivain, auteur d’un roman autobiographique, Vacances parisiennes , relatant la relation entre sa femme (la mère de Stéphane Hessel) et un journaliste français amateur d’art, Henri-Pierre Roché. Lequel reprendra la même trame pour son roman Jules et Jim (1953), adapté en 1962 par Truffaut. C’est un début dans la vie et déjà une anecdote de poids.

Stéphane Hessel gagne Paris avec sa mère en 1924. Bachot à 15 ans. École normale supérieure à 20 ans, concours repassé une seconde fois parce qu’il est de nationalité allemande. En 1939, son acte de naturalisation française est signé par Léon Blum. Tombe la mobilisation. Prisonnier, évadé, débarquant à Londres en mars 1941. Une formation d’aviateur au sein de la RAF, la réorganisation des réseaux radio de la Résistance, puis l’arrestation par la Gestapo. Hessel est déporté à Dora, condamné à mort ; il y échappe en prenant l’identité d’un homme mort du typhus. Après la guerre et un concours réussi au Quai d’Orsay, il est nommé secrétaire d’ambassade. En 1948, aux Nations unies, il est l’un des rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Cette Déclaration est le fil rouge de ce long entretien, au diapason d’une vie tournée vers le rapprochement des peuples. Encore aujourd’hui, Hessel bénéficie « d’une dignité, celle d’ambassadeur de France. Ce n’est pas une fonction, puisqu’on ne fait rien ! ». Pas facile toute de même «  quand on n’est pas d’accord avec le gouvernement français » . Hessel cingle Éric Besson, exprime son « antipathie pour le président de la République actuel » , milite « pour une politique d’immigration plus intelligente », rappelle les droits au logement, à la santé, à l’éducation, à la culture, évoque la langue de Shakespeare, les règles de Malherbe, récite Apollinaire. Avant d’évoquer sa première participation à des élections : en Île-de-France, sur la liste Europe Écologie. Tout au long de l’entretien demeure un décalage, entre le parcours d’un homme remarquable et la modestie du même.