Courrier des lecteurs 1090
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En 2007, pour des raisons électorales, les chômeurs étaient accusés de profiter des efforts des travailleurs, alors on a demandé aux travailleurs de faire plus d’efforts (de travailler plus). Ce qu’ils ont accepté… Rien de mieux pour continuer à diviser les gens.
Karl Zehr
Bensaïd est mort, Langlois tire sa révérence, et moi-même je ne me sens pas très bien… Quand ceux en qui je place une confiance inconditionnelle me laissent seule, comment aller chercher au plus profond de moi les ressources et l’énergie de « l’optimisme de la volonté » ? Sans doute dans ce qu’ils nous laissent… et « aqui se queda la clara ! »
Bénédicte Veilhan, Pau
Sur l’historiographie du PSU, une mise au point de Bernard Ravenel.
L’intéressant article d’Olivier Doubre sur le livre consacré au « PSU d’en bas » me donne l’occasion de compléter les informations déjà apportées par l’article sur l’état de l’historiographie du PSU au moment du 50e anniversaire de la fondation de ce parti.
C’est sur la demande de Marc Heurgon, auteur du 1er tome consacré aux premières années du PSU, que j’ai accepté de poursuivre le projet d’une histoire d’ensemble de ce parti à la fondation et à la dissolution duquel j’ai participé. Ce travail exaltant, qui a pris du retard en raison de mes activités militantes – de matrice PSU – sur la Palestine, est en cours sous le pilotage de François Gèze, directeur des éditions La Découverte, et avec le soutien de l’historien Jean-Pierre Rioux.
D’autre part, du fait des anniversaires (50e anniversaire de la fondation et 20e de la dissolution), les 10 et 11 avril seront consacrés à l’histoire du PSU sous tous ses angles avec la participation d’un grand nombre d’anciens. Le mois prochain, le 29 mars, sera présenté à la mairie du IIIe arrondissement, de 19 h à 21 h, un livre sur l’histoire des étudiants du PSU, introduit par Jacques Sauvageot. En décembre, un colloque est prévu à Sciences-Po. Enfin, un séminaire d’ambition théorique à Cerisy, en octobre, est à l’étude.
Je profite de l’occasion pour lancer un appel aux ex du PSU qui disposeraient d’archives pouvant être utiles pour l’histoire : qu’ils prennent contact avec moi pour m’informer de ce dont ils disposent. Je suis prêt à me déplacer, y compris pour enregistrer des témoignages pour mon livre.
Pour tous renseignements, écrire aux Amis
de Tribune socialiste (ATS), 40, rue de Malte, 75011Paris.
Je viens de lire, comme d’habitude, Politis de A à Z. Vous rendez hommage à J. D. Salinger, très bien ; mais aucun mot sur Howard Zinn, décédé le même jour. Il fut pourtant un historien militant, lucide et critique envers la politique américaine. Il a écrit deux livres (éditions Agone), dont l’un a été édité à près d’un million d’exemplaires, qui jettent un autre regard sur l’histoire des États-Unis d’Amérique.
Jean-Pierre Mével, Saint-Nazaire
Puisque l’envoi de mon compte rendu de lecture de Socialisme néomoderne, de Jacques Généreux, n’a pas eu d’écho, sans doute trop long à lire pour des journalistes « overbookés » [^2], je vous joins donc à son sujet un petit texte en quinto et octosyllabes, lisible en prenant le café.
Si l’on cherche un livre
Pour beaucoup mieux vivre,
Qui nous fait repenser les sources
De nos nations cotées en bourse
Un livre lumineux
Au texte rigoureux
Qui ouvre de nouvelles perspectives
Pour construire des alternatives
À cette société
Sans égalité
Où quelques milliers d’actionnaires
Imposent à tous un mond’ précaire,
Ce livre méconnu,
Par l’homme de la rue,
Qui n’est pas en tête de gondole
Des rayons de la gaudriole,
C’est un livre de Jacques Généreux,
Qui peut rendre tout lecteur heureux,
Il s’agit bien du Socialisme néomoderne
Aux éditions du Seuil, qui éclairent nos lanternes.
Hervé Debonrivage
Lettre ouverte au président de la République,
Monsieur le Président,
À l’âge de 85 ans, je viens d’être promue chevalière de la Légion d’honneur. Au préfet qui s’étonnait que cette distinction ne me soit décernée que si tardivement, j’ai répondu que mon engagement politique n’avait pas dû accélérer la procédure. En effet, résistante, je le suis depuis l’âge de 18 ans, au moment où je me suis engagée dans le combat contre l’occupant au côté de mes camarades FTP.
Depuis, je n’ai jamais interrompu ma lutte ; en mémoire de ces amis qui sont morts torturés ou les armes à la main. Aujourd’hui, inlassablement, je m’emploie à perpétuer leur souvenir en intervenant dans tous les lieux où l’on me sollicite et en particulier dans les établissements scolaires.
Monsieur le Président, je vous le dis sans concession et sans faiblir, si vous m’aviez proposé d’épingler cette dernière médaille, j’eusse refusé. Car ce que je défends en tout premier lieu dans ces classes est l’exact opposé des valeurs que vous diffusez insidieusement au sein du peuple de France.
Vous avez instauré un débat nauséeux sur l’identité nationale à des fins spéculatives, afin de rallier l’extrême droite. Ce débat est indigne de la mémoire que l’on doit à la foule, cosmopolite, qui est tombée en France, pour la France. Réfugiés espagnols, apatrides, combattants africains, engagés à nos côtés, à qui nous devons aussi l’honneur de ces années. L’identité nationale est peinte sur l’Affiche rouge des martyrs étrangers.
Aussi, cessez donc d’appeler l’histoire à votre secours en brandissant l’image de résistants morts au combat, alors que vous bafouez quotidiennement l’héritage du programme du Conseil national de la Résistance.
Ou bien alors, si vous prenez Guy Môquet comme référence, prenez aussi « l’éviction des grandes féodalités économiques et financières » (CNR, titre II), alors qu’aujourd’hui votre politique s’emploie à les conforter. Que dire des services publics, défendus par le même CNR, qui ont tant participé à la relève d’un État français frappé d’indignité pendant cinq ans ? Aujourd’hui, vous détruisez l’école, les collectivités locales, la santé, La Poste, en promettant de ne pas augmenter l’impôt, voire à le réduire, alors que les sources de financement sont à chercher auprès des nantis.
Mes camarades avaient le courage de la pensée et avaient fait le choix de la révolte. Aujourd’hui, une presse servile se fait le relais de vos méandres idéologiques et noie le peuple dans la confusion ou vous le plongez.
Mais, aujourd’hui encore, la jeunesse que je côtoie écoute mon témoignage, s’enflamme pour la justice, pour la révolte quand elle est juste. La jeunesse voit en l’étranger le frère avant le rival,
le combat avant la résignation. C’est elle qui porte, comme nous l’avons fait en notre temps, par le militantisme, les innovations humanistes.
Recevez donc Monsieur le Président de la République, l’indignation d’une combattante qui luttera jusqu’au bout pour que s’instaure une société meilleure pour le plus grand nombre, une France « politiquement libre, socialement juste et économiquement forte ».
Ginette Forgues, croix de guerre, croix du combattant de la Résistance, médaille de la reconnaissance de la Nation, chevalière de la Légion d’honneur, Castanet-Tolosan (31)
Il faut interdire la burqa
La presse de gauche, dont je suis lecteur assidu, se préoccupe de la burqa. Assez curieusement, qu’il s’agisse de Politis ou de l’Humanité , il y a unanimité pour ne pas l’interdire ( Michel Sparagano, professeur de philosophie, Mouloud Aounit, militant antiraciste, et Vincent Geisser, politologue, dans l’Humanité du 30 janvier ; Jean-Pierre Dubois, président de la LDH, dans Politis du 4 février. ). Ces prises de position venant de personnalité éminentes me choquent.
Le port du voile intégral n’est ni une question de mode vestimentaire ni une mesure de sécurité, comme le port du casque intégral des motards, mais l’affirmation publique de l’infériorité sociale de la femme. C’est l’héritage des civilisations méditerranéennes depuis la plus haute Antiquité qui se retrouve sous des formes diverses dans toutes les religions du Livre [[Voir la République des femmes, d’Aristophane ;
le renoncement de Mme Vigée-Lebrun à faire le portrait de Pie VI, qui le lui demandait, parce qu’une femme ne pouvait approcher le pape que voilée (vers 1790) ; et, encore aujourd’hui, l’interdiction d’accès aux femmes dans certains monastères orthodoxes ou la nécessité de la présence de dix hommes pour célébrer un office religieux juif même si l’assistance compte par ailleurs cinquante femmes.]].
Le port du voile intégral en est la manifestation la plus extrême, qui fait de la femme un objet, propriété privée de son père ou de son mari. Qu’il ait ou non un fondement religieux n’a aucune importance : il bafoue deux principes fondamentaux de la République : celui de la liberté et celui de l’égalité. Que l’on n’invoque pas la liberté vestimentaire ou la liberté religieuse pour justifier cette prison qu’est la burqa.
Un philosophe considère le port de la burqa comme « immoral » , mais, ajoute-t-il, « il y a bien d’autres choses qui sont immorales sans pour autant être interdites » . Voilà un raisonnement bien commode pour accepter l’inacceptable. Considère-t-il qu’il faille aussi laisser exciser les petites filles ?
Interdire la burqa, argumente-t-on, aurait pour conséquence l’enfermement des femmes concernées à leur domicile, comme l’interdiction du foulard à l’école aurait conduit à ce que les filles concernées n’y aillent plus. La séquestration deviendrait-elle soudain conforme au principe de liberté ? Le non-respect de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans conforme au droit de l’enfant à l’éducation ?
Certaines femmes portent volontairement le voile ; on va en faire des martyrs de la cause intégriste, avance-t-on également.
Il y a eu des esclaves qui se trouvaient bien dans leur état. Lincoln aurait-il dû renoncer à l’abolition de l’esclavage pour ne pas favoriser l’émergence du Ku Klux Klan ?
Assez curieusement, jusqu’à présent, mes deux journaux préférés n’ont ouvert leurs colonnes qu’à des hommes. J’attends l’avis des femmes. Se contenteront-elles aussi d’une condamnation morale, assortie de l’interdiction d’interdire une pratique infériorisant la femme et qui se développe ?
Les révolutionnaires de 1789 n’ont pas été aussi prévenants avec les prêtres réfractaires. La religion catholique a fini par s’adapter aux principes démocratiques et républicains. On ne peut pas transiger avec ces derniers sans les trahir.
Jean-Claude Bauduret, Lectoure (32)
[^2]: Nous l’avions lu, mais il était effectivement trop long… pour une publication intégrale dans ces pages (NDLR).