Courrier des lecteurs 1091
dans l’hebdo N° 1091 Acheter ce numéro
En ces temps de célébration
de la libération de Mandela, à lire
les éditoriaux plus élogieux les uns que
les autres (notamment de Paris-Match, le Figaro , etc.), il serait intéressant de passer en revue ce qu’en disait
la presse durant le temps de son internement.
Albert Apelbaum, Gagny
On dit que l’histoire ne se répète jamais. Eh bien, si ! Pour les élections, cela peut se produire. On recommence dans le Poitou-Charentes pour les régionales comme pour la présidentielle de 2007. Chacun repart à la bataille dans son coin […]. Que les Verts ou Lutte ouvrière fassent leur liste, cela ne surprend pas. Mais, alors que, dans d’autres régions, un accord a été possible, on se retrouve avec deux listes à gauche de la gauche : une Front de gauche et une NPA/Fase/Alternatifs. Et chacune de ces listes pense qu’elle peut atteindre 10 % au 1er tour. Dites-moi que je rêve ! On voit bien là le désir de certains de récupérer leur siège. Pour moi, ça va être simple : je ne voterai pour aucune des deux. Même si cela ne me satisfait pas pleinement, je voterai Europe Écologie. Et si ces derniers se rallient à Ségolène au 2e tour, ce sera tous les bulletins de gauche dans l’enveloppe !
Depuis les bombardements sur Gaza il y a un peu plus d’un an, je ne vote plus PS au 2e tour. Il n’y a pas si longtemps, l’Afrique du Sud a été mise au ban des nations pour sa politique d’apartheid. Elle n’était soutenue alors que par quelques dictatures et… Israël. Je pense que ce pays a le même comportement vis-à-vis des Palestiniens que l’Afrique du Sud à l’époque vis-à-vis des populations noires. Je ne veux pas voter pour des gens qui soutiennent ce régime colonialiste, ils sont complices.
Sur un tout autre sujet : je pense que beaucoup de lecteurs se désolent du départ de Bernard Langlois. Au début de mon abonnement à Politis (il y a plus de dix ans), je commençais toujours ma lecture par sa chronique. Depuis quelque temps, j’avais changé de méthode. La lecture de Politis , c’est comme un bon repas, le meilleur est toujours pour la fin. Le bloc-notes de B. L., c’était mon dessert. Je n’oublie pas non plus qu’à la présidentielle de 2002 Bernard Langlois a eu raison contre tout le monde pour le 2e tour. Je ne vais jamais sur les blogs mais je vais faire une exception pour continuer à savourer mon dessert.
Marc Coirier, Poitiers
Dans le n° 1086 , Politis a fait un reportage sur les SDF en suivant deux personnes ayant perdu leur emploi et tout ce qui suit (divorce, logement, revenus…), mais il n’y a pas que les SDF « économiques ». En effet, je voudrais parler des jeunes homosexuels qui sont mis à la porte de la maison familiale à l’annonce de leur préférence pour une personne de même sexe. Aux États-Unis, entre 20 et 40 % des SDF sont gays ; en France, faute de données chiffrées, nul ne peut savoir combien de SDF jeunes sont homosexuels. Dans nos sociétés hétérosexistes, faire son coming out n’est pas forcément chose aisée, par « peur » de cette réaction familiale.
À gauche, et plus particulièrement à gauche de la gauche, on parle facilement de la crise sociale, des sans-papiers, de la lutte féministe, de l’antiracisme, de la laïcité, mais très peu, voire pas du tout, de l’orientation sexuelle, ou alors elle est noyée dans la lutte contre toutes les discriminations. J’ai trouvé bien que Politis parle de l’homosexualité à travers les deux livres sortis récemment et rencontre l’ancien président d’Act Up au moment des vingt ans de l’association.
Il y a quelques jours, Jean-Marie Périer a sorti un livre, Casse-toi, rencontre avec ces jeunes le plus souvent livrés à eux-mêmes, faute de lieux d’accueil et d’aide sociale et économique.
Bertrand Decroix, Houilles (78)
Où les ministres vont-ils chercher leurs expertises avant de prendre des décisions ? Le « plan algues vertes » décidé par le Conseil des ministres a pour but d’abaisser fortement le taux de nitrates des rivières concernées à 10 mg/l (voir Politis n° 1089).
Or, un rapport de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) conclut que la cause du développement important des algues vertes n’est pas lié à la richesse excessive des eaux de rivière en nitrates mais en phosphates ( Courrier de l’environnement de l’Inra n° 48, février 2003).
Pour se développer, les algues vertes ont besoin de deux nutriments majeurs : les phosphates et les nitrates. Si les nitrates sont en concentration insuffisante dans l’eau par rapport aux phosphates, les algues peuvent synthétiser l’azote de l’air en nitrates pour se développer. Si l’on réduit la concentration de l’eau en nitrates, les algues vertes peuvent quand même proliférer si la concentration en phosphates est élevée. C’est en limitant les apports de phosphates dans le lac Léman et le lac du Bourget que l’on a réussi à stopper le développement des algues vertes. C’est, semble-t-il, le même type de processus qui se retrouve en milieu marin. D’où viennent les phosphates qui se retrouvent dans les rivières ?
De diverses sources. Agricoles : les apports excessifs d’engrais phosphatés mais surtout des lisiers de porcs et de volailles qui en sont très riches (déjections provenant d’animaux nourris essentiellement avec des céréales). Ces lisiers sont également riches en nitrates. Industriels : produits servant à nettoyer les surfaces des usines. Particuliers : l’interdiction des phosphates dans les produits domestiques ne concerne que les lessives pour le linge, mais pas celles destinées à d’autres usages, les lave-vaisselle, par exemple. Une partie de ces phosphates d’origine industrielle et ménagère se retrouve donc au niveau des stations d’épuration et est souvent rejetée dans les rivières. Une autre partie provenant des rejets non traités collectivement se retrouve également dans les cours d’eau. L’objectif de réduire plus radicalement les apports de nitrates par les agriculteurs permettra à terme, espérons-le, d’obtenir une eau plus potable, certes, mais, selon l’Inra, n’aura pas permis de limiter la prolifération des algues vertes.
En réalité, le pouvoir politique se trouve confronté à une bataille d’experts entre les deux instituts publics qu’il contrôle : l’Inra (ministère de l’Agriculture) et l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer, dépendant du ministère de l’Environnement et de l’Aménagement du littoral). L’Ifremer affirme, lui, que les excès de nitrates sont la cause du développement des algues vertes.
Les ministres concernés ont privilégié la thèse des nitrates, elle ne remet pas en cause les autres acteurs de la pollution que nous sommes tous. Électoralement, c’est peut-être moins risqué ?
Les agriculteurs sont donc de nouveau la seule cible privilégiée, car les actions que certains ont entreprises apportent peu de résultats quant à la reconquête de la potabilité de l’eau. Il est vrai que les efforts d’une majorité d’agriculteurs ont été réduits par l’autorisation de plans d’épandage supplémentaires de lisier, liés à l’extension d’autres élevages dans certains bassins, comme vous le soulignez.
F. Blanchetière,
Saint-Martin-des-Entrées (14)
J’aime beaucoup cette définition de la croissance : « escroquerie intellectuelle évitant de remettre en cause la répartition des richesses ». Le principe majeur étant que, plutôt que de mieux partager le gâteau, il vaut mieux le faire grossir. Le problème lié à la retraite est typiquement un problème de répartition des richesses entre générations. Par quoi propose-t-on de le résoudre dans les articles parus dans Politis ? Par la croissance ! Hypothèse de base pour résoudre le problème des retraites : la richesse va doubler dans les quarante ans à venir (avec une croissance dite « modérée ») et la population également. Mon expérience m’incite à dire que ce type de solution peut plaire à des retraités ou à des salariés proches de la retraite, mais est perçu par de nombreux jeunes comme une volonté de ne rien changer pour eux et de laisser le fardeau aux générations suivantes. À titre personnel, à pourtant 45 ans, plus de vingt ans de cotisations, je n’y crois. Alors, les plus jeunes…
Mais ce qui me frappe le plus est de proposer un tel scénario et de laisser une tribune à Serge Latouche deux pages plus loin. […] Parlez-vous dans les deux articles de la même croissance ? Y aurait-il une mauvaise croissance d’un côté, et une belle croissance verte, vertueuse, de l’autre ?
Cela donne l’impression que la décroissance est un beau concept intellectuel, voire utopique, qui nous permet de nous donner bonne conscience vis-à-vis de la planète, mais que, dès que l’on a un problème concret à résoudre (augmentation des salaires dans la Fonction publique, gestion des retraites), il est naturellement possible de taxer davantage le capital, mais l’essentiel de la solution passe encore et toujours par la croissance… Ce problème de cohérence rend les solutions proposées peu crédibles.
En tant qu’objecteur de croissance (même si pas « pur »), je serais intéressé de voir quelqu’un comme Paul Ariès participer au débat. À titre personnel, j’aurais tendance à considérer que l’absence de croissance, avec malgré tout une augmentation de la productivité (point vraiment à discuter), implique une diminution relative de la part de temps de travail dans la vie, pouvant se traduire, au choix, par une diminution du temps de travail des actifs et/ou par le maintien à 60 ans de l’âge de la retraite, même avec l’augmentation de l’espérance de vie. Ce sujet devra être débattu, et l’avis des jeunes actifs devra être écouté […].
Là où j’ai un désaccord important, c’est quand on veut faire croire que le niveau de certaines retraites, à commencer par celles de fonctionnaires de catégorie A ou de cadres du privé (j’en fais partie), pourra être maintenu. Je suis convaincu qu’il faudra accepter un plafonnement compatible avec le niveau de richesse créé, un système plus égalitaire, homogène, un système de solidarité des plus jeunes envers les plus âgés, et non un système obligeant les plus jeunes à financer un système garantissant à certains retraités des revenus élevés, quelle que soit la situation économique. Cela pourra certes mettre à mal le secteur du transport aérien ou du camping-car, et donc nuire à la fameuse croissance, mais la planète ne s’en portera-t-elle pas mieux ? En contrepartie, il sera important que le champ de la gratuité à l’attention des personnes âgées augmente, pour que chacune d’entre elles puisse bénéficier d’un bon système de santé, de structures de fin de vie dignes de ce nom. Cela permettrait du reste de créer des emplois utiles, dignes, locaux, ne générant pas de pollution…
Marc Manivel, Betton (35)