Derrière Laborantza, le fantôme des autonomistes
L’obstination de l’État traduit le rejet de toute concession à la moindre des revendications régionalistes des militants basques.
dans l’hebdo N° 1089 Acheter ce numéro
Auprès d’une majorité de l’opinion publique et des élus basques, la bagarre que mène l’État contre Laborantza ganbara est injuste et choquante, apparaissant comme un harcèlement ubuesque. Mais l’attaque est plus profonde qu’il n’y paraît. Le profil du préfet local n’est pas le point le plus important : en Pyrénées-Atlantiques, trois d’entre eux se sont succédé depuis 2005, sans que varient l’intensité du harcèlement ni la détermination à éliminer EHLG. En réalité, c’est bien d’une affaire d’État qu’il s’agit : la sempiternelle question basque.
En effet, la création d’EHLG matérialise l’une des revendications traditionnelles des mouvements autonomistes. Ainsi, la plate-forme Batera, qui regroupe des acteurs et des politiques de tous bords, affiche quatre objectifs : la reconnaissance de la langue basque, la création d’une université autonome, celle d’un département « Pays basque » (ou d’une collectivité spécifique) et celle d’une chambre d’agriculture. Début 2005, la dénomination d’EHLG comprenait en appendice sa traduction française – « chambre d’agriculture du Pays basque » –, vite retirée car à l’évidence illégale.
L’État, sans nuance, a depuis tenté de faire valoir son point de vue jacobin par la répression, au risque d’exercer sciemment un abus de pouvoir prolongé. Derrière Laborantza ganbara, les autonomistes ? Le raccourci est pratique. Si certains des mécanos d’EHLG ont pu être proches des agitateurs basques, ils semblent s’être rangés depuis des années et disposent d’un éventail d’appuis politiques très large, au-delà même du Pays basque.
Et puis, comment s’élever contre la vertu ? Voilà une association qui a eu l’intelligence de se mettre au service d’une cause inattaquable : la défense d’un modèle agricole respectueux de l’environnement, de l’emploi, de la culture et du lien social – de plus en zone montagnarde, où les paysans sont partout les plus fragilisés. Alors que Laborantza ganbara fait la preuve de son utilité publique, l’État s’enferre à contre-emploi, paraissant cyniquement partisan d’une agriculture productive. Coincé dans ses vieux préjugés sur l’affaire basque, il ne montre toujours aucun désir de répondre pacifiquement aux aspirations d’une population qui entend d’abord vivre mieux.