Des puces contre des pions

Face aux violences scolaires, deux réponses s’opposent : vidéosurveillance ou meilleur encadrement. Ce clivage traduit un positionnement idéologique qui vaut pour la société tout entière.

Manon Loubet  • 25 février 2010 abonné·es
Des puces contre des pions
© Photo : Demarthon/AFP

L’école, c’est la France en petit et en concentré. Les réactions face aux violences scolaires en offrent un nouvel exemple. Entre 50 et 80 établissements de l’académie de Créteil étaient en grève le 16 février. Le 8 janvier, un élève du lycée Darius-Milhaud au Kremlin-Bicêtre est mort poignardé. Le 3 février, un jeune du lycée Adolphe-Chérioux de Vitry-sur-Seine a été agressé au couteau. Le 15 février, le lycée Guillaume-Apollinaire de Thiais déplorait une attaque au cutter…

Une mobilisation générale est annoncée pour le 12 mars. Ce nouveau mouvement de protestation contre les suppressions de postes, la réforme du lycée et le manque global de moyen se ­double d’une tension accrue par la répétition de faits divers dans l’enceinte des établissements. Le 16 février, le ministre de l’Éducation, Luc Chatel, a annoncé l’organisation, début avril, d’états généraux de la sécurité à l’école. Depuis 1992 et le premier plan lancé par Jack Lang sur ce thème, les opérations se multiplient sans grand succès : neuf Français sur dix estiment que les violences ont augmenté ces dix dernières années dans les écoles, selon un sondage Harris Interactive pour RTL.

Cinquante pour cent des faits de violence se concentrent sur les 10 % d’établissements les plus difficiles, d’après une note d’information du ministère. 40 % des établissements les plus violents relèvent de l’éducation prioritaire et les lycées professionnels sont surreprésentés. Rien de surprenant : voici des années que le personnel de ces établissements alerte sur l’aggravation des tensions et le danger de réduire les moyens humains.

Le Syndicat national des enseignements de second degré (Snes-FSU), la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) et l’Union nationale lycéenne (UNL) préconisent un meilleur encadrement. « Alors qu’il faudrait plus d’enseignants, d’assistants d’éducation, d’assistantes sociales et d’infirmières au quotidien dans les collèges et lycées, le ministère a supprimé près de 50 000 postes depuis quatre ans ! », s’indigne Laurent Escure, secrétaire national du Syndicat des enseignants-Unsa.
Le 1er février, Luc Chatel a annoncé l’accélération du plan de sanctuarisation des établissements lancé par Xavier Darcos en mai 2009. Des équipes mobiles de sécurité (EMS) composées de spécialistes de la sécurité et de personnels éducatifs sont opérationnelles dans 19 académies, en vue d’un « déploiement complet » d’ici à la fin mars. Le diagnostic sécurité auquel elles doivent participer dans les 7 946 collèges et lycées a déjà été réalisé dans 27 % d’entre eux : 28 % souhaitent la mise en place d’une surveillance à l’entrée, 9 % une vidéoprotection, 14 % un système de clôture et 1 % de portiques de sécurité.

Vidéosurveillance ou meilleur encadrement ? Deux réponses s’opposent, traduction de deux choix de société contraires : une « tendance sécuritaire », plutôt à droite, une « tendance sociale », plutôt à gauche. « On ne répond pas à la violence par la répression, mais par l’éducation » , fait valoir Christiane Allain, secrétaire générale de la FCPE. Et quelle est l’efficacité réelle des systèmes mécaniques ? « L’attaque du lycéen de Thiais était filmée. Mais comme ses agresseurs étaient encagoulés, ils n’ont pu être identifiés » , ajoute-t-elle. Les autres équipements posent aussi problème. « Vous imaginez 1 500 élèves passer sous un portique de sécurité tous les matins, comme dans un aéroport ? », s’emporte Guillaume Delmas du Snes-FSU.
Les EMS ne soulèvent pas l’enthousiasme : « Elles arrivent trop tard, après l’incident. » Et qu’en est-il des causes de violences ? Certaines mesures récentes ont été mises en cause avant même leur mise en place : « La suppression de la carte scolaire engendre une ghettoïsation des établissements » , rappelle Antoine Evennou de l’UNL. L’attitude la plus pragmatique ne consisterait-elle pas à éliminer les facteurs de troubles, avant de s’en prendre aux acteurs ?

Société
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