La Fase déchante

La réalité des listes régionales n’a pas permis un véritable élargissement du Front de gauche, déplore la Fase, contrainte à des remises en cause.

Michel Soudais  • 4 février 2010 abonné·es

À moins de deux semaines du dépôt des listes en préfecture, la déception domine dans les rangs des militants de la Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase). Mi-janvier, Clémentine Autain, la première, faisait part de son dépit sur son blog : « À l’issue d’un long processus auquel j’ai participé […], j’avoue ne pas y retrouver mes petits. Une fois de plus, l’autre gauche se prépare à être très en deçà de ses potentialités et de la place qu’elle devrait occuper dans un contexte de crise sociale, économique et démocratique, face à une droite dure au pouvoir. »

Le fait qu’une unité large de la gauche de transformation allant du PCF au NPA ait pu néanmoins se réaliser depuis dans trois régions ne fait que renforcer le sentiment d’une occasion ratée. La Fase, qui s’était «  donné comme objectif la convergence de toute la gauche de transformation sociale et écologique » , s’en est naturellement réjouie lors de sa dernière assemblée générale, les 23 et 24 janvier : « Un rassemblement aussi ample, dans des élections de ce niveau, est un fait inédit » , se félicite-t-elle dans un communiqué. Avant de laisser poindre ses regrets : « Pourquoi ce qui a été possible, par exemple, dans le Languedoc-Roussillon, dans le Limousin et dans les Pays de la Loire n’aurait-il pas pu l’être ailleurs, dans d’autres régions, dans toutes les régions, au niveau national ? »

Les discussions nationales, bien engagées en décembre, n’ont pas résisté à l’épreuve de la constitution des listes. Outre ces trois régions, la Fase figurera avec le Front de gauche sur des listes « Ensemble » en Alsace, dans le Nord-Pas-de-Calais et en Aquitaine. Mais, dans maintes régions, ses animateurs locaux ont le sentiment d’avoir été, à tout le moins, dédaignés ou ignorés.

En Île-de-France, ils se sont heurtés au refus du PCF de désigner le candidat qui avait leur préférence, le communiste Patrick Braouezec, pour conduire la liste. Puis au « veto » du parti de Marie-George Buffet sur la candidature de Clémentine Autain « même en position inéligible » . « Les seuls candidats [qu’elle proposait] dont ­l’éligibilité a été envisagée par les partis du Front de gauche sont des élus sortants, élus en 2004 sur la liste constituée entre le PCF et Alternative citoyenne, dont trois sont partie prenante de la Fédération » , résument ses animateurs. En Paca et en Rhône-Alpes, deux autres régions phares, la Fase a annoncé pareillement son retrait. Elle ne sera pas non plus présente en Haute-Normandie, en Picardie et en Midi-Pyrénées.

En revanche, elle participe à des listes avec le NPA et le PG, sans le PCF, en Bourgogne et en Champagne-Ardenne. En Poitou-Charentes, une divergence politique l’a conduite à se tourner, comme les Alternatifs, vers le NPA pour constituer une liste officialisée samedi denier. L’obstination de certains communistes à souhaiter une alliance au second tour avec Ségolène Royal, malgré la présence de candidats du MoDem sur la liste de cette dernière dès le premier tour, était contraire à l’accord stratégique passé cet automne entre toutes les formations de l’autre gauche, excepté le NPA.

« La réalité des listes régionales contredit frontalement l’existence d’un accord national » , a donc déploré son assemblée générale, justifiant son refus « d’utiliser le nom de la Fase sur du matériel national » . « Malgré tous nos efforts, pour diverses raisons, il n’a pas été possible d’empêcher que le cartel électoral de partis que constitue le Front de gauche cherche à marginaliser les forces et les militants qui n’entrent pas dans la sphère de la politique classique. La démarche “Ensemble pour des régions à gauche, solidaires, écologiques et citoyennes” est ainsi devenue, de fait, dans bien des régions, un slogan électoral du Front de gauche. »

Ce constat d’échec n’exclut toutefois pas une certaine autocritique. Il « amènera nécessairement à des remises en cause radicale pour la Fase » , note Clémentine Autain. La directrice de Regards incrimine « les faiblesses de la Fase, qui fonctionne avant tout comme un réseau et ne s’est pas donné les moyens de sa visibilité dans l’espace public pour construire un meilleur rapport de force ». Au nombre de ces faiblesses, certains militants ayant participé aux négociations dans leur région notent que les diverses composantes de la Fase ne se présentaient pas unies dans ces discussions.
Soucieuse de tirer les leçons de cette expérience, la Fase commence à se préoccuper de son renforcement et des instruments matériels nécessaires. Il ne sera toutefois pas facile de concilier l’autonomie des comités locaux et une structuration plus intégrée, sans la force de laquelle l’existence même d’une organisation reste un vœu pieux.

Politique
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