Les bonnes questions à se poser
Contrairement aux idées reçues et aux annonces catastrophistes, la pérennité des régimes de retraite par répartition peut être garantie dans les prochaines décennies. Voici pourquoi.
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Quel est l’état du système de retraite ?
Le déficit est de plus de 8 milliards d’euros en 2009, selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), et la situation devrait s’aggraver dans les prochaines années. Il serait de 10,7 milliards d’euros en 2010 et s’élèverait à 14,5 milliards d’euros en 2013. Xavier Darcos, ministre du Travail, a rappelé aussi que « nous avons aujourd’hui 1,8 cotisant pour un retraité ; dans une dizaine d’années, nous serons à 1,5 ; et en 2050, à 1,2 » , affirmant que, « dès 2010, une retraite sur dix [ne sera] plus financée » . À l’horizon 2040-2050, les déficits seront « abyssaux » : entre 70 et 100 milliards d’euros. Cette catastrophe annoncée pour les prochaines décennies a au moins le mérite de souligner que les précédentes réformes n’ont pas « sauvé » le régime par répartition.
Les menaces sont-elles fondées ?
Le principal argument des réformistes libéraux est d’ordre démographique. L’allongement de la durée de la vie et la baisse du nombre de cotisants avec le départ en retraite de la génération du « baby-boom » entraînent une charge de plus en plus lourde pour les actifs. Mais le Medef et le gouvernement considèrent comme immuables l’allongement de l’espérance de vie (d’un trimestre par an) et la baisse du nombre de cotisants à l’horizon 2050. Or, ces données ont été revues par le Conseil d’orientation des retraites (COR), qui s’est appuyé sur les prévisions de l’Insee (2006). Ainsi, la population active continue de croître, ce qui réduit les effets du départ en retraite de la génération du baby-boom. Selon le COR, le besoin de financement des retraites ne devrait plus s’élever qu’à 1 % de la richesse produite (PIB) en 2020 (soit 25 milliards d’euros) et 1,7 % en 2050.
Ce besoin pourrait être comblé par une très faible augmentation annuelle de la part patronale et de la part salariale dans les cotisations sociales. En outre, on ne peut imaginer que la baisse de la part des salaires et des cotisations sociales dans la richesse produite se poursuive, à moins d’appauvrir considérablement la population active. Pourquoi ? En vingt ans, cette part a chuté de 10 points, passant de 70 à 60 % (180 milliards d’euros de perte chaque année). Et la richesse produite devrait quasiment doubler en quarante ans, à moins que des crises financières à répétition ne contredisent cette prévision. Mais, dans ce cas, l’ensemble de l’économie s’effondrerait !
Pourquoi les pensions baissent-elles ?
Les effets négatifs sur le niveau des pensions viennent essentiellement des précédentes réformes. La retraite par répartition ne garantit plus un taux de remplacement du salaire suffisant (il était inférieur à 50 % en 2008 pour le régime général). L’allongement de la durée de cotisation, passée à 40 ans et bientôt 41 (au lieu de 37,5 ans avant 1993), le calcul de la retraite sur les 25 meilleures années au lieu de 10 pour les salariés du privé, ainsi que l’indexation sur les prix (et non plus sur les salaires et la productivité) ont conduit à une baisse des pensions de 15 à 20 %. Plus d’un million de retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté, une retraitée sur trois perçoit moins de 700 euros par mois et 600 000 personnes âgées dépendent du minimum vieillesse.
Faut-il obligatoirement travailler plus longtemps ?
Ce serait la recette miracle pour sauver le système de retraite. En 2009, les retraités ont en moyenne liquidé leurs droits à 61 ans et demi, au lieu de 61 ans en 2008, en raison du durcissement du dispositif de départs anticipés pour carrière longue. « Beaucoup de femmes ne partent pas avant 65 ans, car elles n’ont pas suffisamment de trimestres » , indique aussi Danièle Karniewicz, présidente de la Cnav. Mais, en 2006, seulement 54 % des actifs de 55 à 59 ans occupaient un emploi, dont une forte proportion à temps partiel. À 60 ans, il n’y en avait plus que 40 %, les autres étant au chômage, en invalidité, en préretraite ou dispensés de recherche d’emploi. L’allongement de l’activité des seniors n’est en fait souhaité ni par les entreprises ni par les actifs. Repousser l’âge de départ à la retraite reviendrait donc à diminuer les pensions.
Les retraites peuvent-elles être financées dans l’actuel régime ?
Depuis des décennies, une part importante des cotisations sociales a été soustraite du financement du régime par répartition avec l’explosion des exonérations fiscales. Ces exonérations représentent près de 65 milliards d’euros, dont une partie n’est pas compensée par l’État, mettant ainsi en danger la Sécu. La Cour des comptes a évalué un manque à gagner annuel compris entre 30 et 34,5 milliards d’euros, et elle a aussi évalué à plus de 21 milliards d’euros en 2008 les exonérations de cotisations sociales sur les salaires, qui constituent dans certains cas un effet d’aubaine pour les entreprises. La même Cour des comptes avait estimé en 2005 que l’exonération de la participation et de l’intéressement représentait une perte de 3,8 à 5,2 milliards d’euros pour la Sécu. L’idée de réduire certaines exonérations et d’élargir l’assiette des cotisations, sans que cela nuise à la « compétitivité » des entreprises, n’est pas absurde : « En un peu plus de vingt ans, les dividendes sont passés de 5 % à 25 % dans la valeur ajoutée des entreprises non financières », explique la CGT. Il y a donc de quoi financer l’ensemble du système et même l’améliorer…