Procès du centre de rétention de Vincennes : les réquisitions tombent, les avocats contre-attaquent
Réunis à l’Hôtel de ville de Paris, les avocats des présumés incendiaires du centre de rétention de Vincennes protestent contre les réquisitions du procureur et les conditions dans lesquelles se sont tenus les débats.
Les réquisitions sont tombées : de six mois à trois ans ferme pour les retenus du Centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes, soupçonnés d’y avoir provoqué un incendie en juin 2008 après le décès d’un Tunisien de 41 ans. Leurs avocats, volontairement absents du tribunal, ont donné une conférence de presse le mercredi 10 février à l’Hôtel de ville de Paris pour contester les requêtes du procureur et dénoncer les conditions déplorables dans lesquelles le procès s’est déroulé. Sans attendre les verdicts, le 17 mars, l’un deux, Maître Braun, a annoncé qu’il comptait lancer « une contre-attaque judiciaire qui engagera la responsabilité de l’État, et celle des différents fonctionnaires en cause, depuis l’incendie jusqu’au procès » . Ses confrères, présents à la conférence de presse organisée par la LDH, se disent prêts à le soutenir dans cette démarche.
Les échanges se transforment vite en plaidoirie. Les témoins extérieurs de l’incendie, retraité ou femme de prévenu, racontent ce qu’ils ont vu. Les avocats plaident la cause de leur client et s’insurgent contre cette parodie de justice : la présence de la défense n’étant pas obligatoire en correctionnelle, la présidente du tribunal avait en effet choisi de mener les débats sans avocats. « On est conscients du problème de notre absence , se justifie Maître Bedossa. Mais il était hors de question que l’on serve d’alibi à un simulacre. Les sanctions auraient été les mêmes. » Les presque 15 heures de bandes vidéos muettes des caméras de surveillance du CRA ont donc été visionnées sans eux. Ces caméras, qui filmaient en plan fixe les couloirs -les feux ont pris dans les chambres- ainsi que les témoignages des policiers sont les seuls éléments à charge du dossier. « Les policiers ont toujours déclarés qu’ils n’avaient rien vu » , note Maître Terrel. M. Borovi, professeur de maths à la retraite, présent au moment de l’incendie, livre sa version des faits : « Sur le parking du centre, j’ai vu les quelques manifestants. J’ai lu plus tard dans la presse qu’ils avaient provoqué l’agitation des retenus. Or, c’était très calme. Ils étaient à peine une dizaine. Vers 15h30, j’ai vu les premières flammes. Le feu s’est propagé à une vitesse incroyable. Le premier camion de pompiers n’est arrivé qu’à 16h43, soit une heure dix après. »
Qualifiant leurs clients de « boucs émissaires » , les avocats déplorent que le contexte ne soit pas pris en compte par le procureur, qui refuse de faire de ce procès celui des centres de rétention. L’universitaire Olivier Le Cour Grandmaison pointe du doigt le climat politique actuel : « Il y a une xénophobie d’État. Un ministère de l’immigration a été créé, avec la mise en place d’un plan quinquennal d’expulsions. Si vous n’avez pas la chance d’être d’une blancheur immaculée, vous serez contrôlé. Les juges prennent leurs aises parce que les prévenus sont sans papiers » .