Une déraison d’État
dans l’hebdo N° 1089 Acheter ce numéro
Au-delà de l’aspect politique, c’est la volonté d’interdire tout débat mettant en cause l’ordre établi que cette affaire révèle. Comme si, en démocratie, l’immuable était la règle et que seuls l’État et ses appendices étaient légitimes à décréter ce qui doit demeurer ou changer. Comme si les citoyens n’avaient pas le droit de s’emparer de la chose publique et d’exercer leurs prérogatives. Il y a d’abord dans ce comportement des autorités une négation de la citoyenneté, la certitude de savoir mieux que les personnes concernées, un mépris affiché des citoyens. Il n’est pas étonnant qu’une des libertés les plus essentielles, celle d’association, soit alors mise en cause. La dissolution d’une association : en dehors de celles qui ont frappé dans le passé des organisations politiques, cette procédure est rarissime, réservée à des cas d’une gravité extrême et où les enjeux de protection de la société sont avérés.
Rien de tel dans le cas présent, simplement la crise de nerfs de l’État et de certains de ses représentants face à la volonté tranquille de citoyens d’adopter une posture divergente et d’exercer la plénitude de leurs droits. Il est proprement intolérable que l’on tente ainsi de confiner la liberté d’association aux limites que l’État aurait arbitrairement définies. Arbitraire, le mot vaut aussi en ce que tous les services de l’État ont été appelés à la rescousse pour tenter de juguler une action soutenue par de nombreux élus et citoyens. Il n’est pas acceptable que des agents publics soient détournés de leur mission d’intérêt général pour être transformés en bras armé d’une démarche politique destinée à éliminer ses adversaires : la force publique est instituée « pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée », édicte la déclaration de 1789. Qui proclame aussi droit fondamental la sûreté, c’est-à-dire la garantie des droits de chacun face à l’arbitraire de l’État. Nos gouvernants et ceux qui les servent devraient s’en souvenir, nous sommes en droit de leur demander compte de leur administration.