Courrier des lecteurs 1092
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Le président de la République, les yeux fixés sur les dépenses inutiles de l’État, a décidé de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Peut-on lui suggérer de supprimer un ministre sur deux après les élections régionales, lors du remaniement ?
Paul Oriol, Versailles
Fidèle abonné de Politis depuis sa création, j’ai beaucoup apprécié le dossier « Rwanda » du n° 1089. Je loue le courage dont vous avez fait preuve en l’occurrence, car c’est un sujet « sensible » que nos hommes politiques préfèrent ne pas aborder. Je tiens à préciser que je suis aussi adhérent de l’association Survie, et lecteur assidu de sa revue Billets d’Afrique , ô combien précieuse ! Pour moi, François-Xavier Verschave, qui s’est beaucoup dépensé pour informer les citoyens de toutes les turpitudes néocoloniales françaises au sein de la Françafrique, est beaucoup plus crédible que les politiques et militaires français impliqués dans le génocide du Rwanda. Et les militants de Survie – dont Raphaël Doridant – sont plus crédibles, à mon avis, que ceux – dont Hubert Védrine – qui nient la complicité de la France. Vous écrivez : « Quant à la France, sa responsabilité est accablante. » Cependant, vous ajoutez : « Mais il ne semble pas que l’on puisse dire que les plus hauts responsables aient aidé “sciemment” à la réalisation d’un génocide. » Or, d’après Raphaël Doridant, les faits reprochés aux autorités françaises relèvent bien de la complicité de génocide telle qu’elle est définie par la jurisprudence du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), qui s’applique en droit français : « Un accusé est complice de génocide s’il a sciemment et volontairement aidé ou assisté ou provoqué une ou d’autres personnes à commettre le génocide, sachant que cette ou ces personnes commettaient le génocide, même si l’accusé n’avait pas lui-même l’intention spécifique de détruire en tout ou en partie le groupe national, ethnique, racial ou religieux visé comme tel. » Au nom de calculs géopolitiques relevant du prétendu « domaine réservé » du chef de l’État, les autorités françaises ont assisté sans états d’âme à la préparation puis à l’exécution du massacre de près d’un million d’êtres humains. Une fois le crime accompli, elles n’ont pas rompu leur alliance avec les assassins.
Jacques Leroy
Le Réseau des Parvis
J’ai été très étonné que Politis puisse accepter une publicité en faveur de cette revue catho. J’ai eu souvent l’occasion de la lire et je n’ai rien trouvé justifiant une insertion dans Politis. S’il s’agissait d’un christianisme vraiment engagé à gauche, je comprendrais, mais ce n’est pas le cas, et les arguments de Pierre Charbonnel, dans le courrier des lecteurs du n° 1088, sont révélateurs : Parvis est contre le célibat obligatoire des prêtres, pour l’accueil des divorcés remariés, pour l’ordination des femmes prêtres. Mais ce sont là des problèmes strictement internes à une institution qui, en elle-même, est ultraconservatrice !
Pourquoi nous intéresser à tout cela ? Il y a longtemps que les prêtres ont une double vie et, si cela les dérange, ils quittent l’Église ; des milliers l’ont d’ailleurs fait. Faut-il encore favoriser le renforcement de cette institution en permettant à des femmes de devenir prêtres ? Quant aux divorcés remariés, si l’on pense que Sarkozy – qui est dans cette situation – communie sans complexe publiquement, et que les prêtres n’osent pas lui refuser l’hostie, il me semble que c’est se faire bien du souci pour rien !
Pierre Charbonnel nous disait que Parvis était rédigé par des chrétiens en majorité « de la gauche de la gauche » , pourquoi ne s’en aperçoit-on pas quand on lit la revue ?
Roland Périer, Paris
Élisabeth Badinter et le 8 Mars
J’ai beaucoup aimé Élisabeth Badinter. Je lui portais une grande estime. Elle m’a déculpabilisée de beaucoup de choses dont Françoise Dolto m’avait accablée, elle qui culpabilisait toujours les mères.
J’ai donc suivi avec attention plusieurs émissions ces derniers temps, et j’ai été désagréablement surprise par une de ses prises de position. Il ne s’agit pas de la question de l’allaitement : là, je suis d’accord avec elle. Il s’agit de la façon désinvolte, méprisante même, dont elle a traité la journée du 8 Mars, la renvoyant d’un revers de manche aux nombreuses journées (commerciales, à mon avis) telles que la fête des mères, des pères, des grands-mères, etc.
Mme Badinter ne peut ignorer, elle qui est instruite, la signification du 8 Mars, journée internationale de « commémoration » des luttes des femmes pour leurs droits.
Malheureusement, sans doute parce qu’il ne s’agit que de femmes, cette journée est souvent détournée de son sens, quand elle n’est pas occultée par les médias (même progressistes, hélas !).
Chaque année, je me bats pour remettre les choses au point, en souvenir de ma grand-mère, qui, au début du XXe siècle, a participé activement à une grève de femmes, sans doute la première menée par des femmes seules. Il s’agissait, en 1906, de la grève des transbordeuses d’oranges (nous disions les « orangères ») à Cerbère, dans les Pyrénées-Orientales.
Les oranges arrivaient en vrac dans des wagons espagnols et il fallait les « transborder » dans des wagons français, pour cause de différence d’écartement des voies. Travail saisonnier, irrégulier, travail de femmes. Elles transportaient, sur une passerelle en bois installée entre les deux wagons, des couffins pesant près de 20 kg. Au bout de la journée, ce sont des tonnes d’oranges qu’elles avaient manipulées. Eh bien, ces femmes ont fait grève pour obtenir 25 centimes de plus chacune par wagon traité, portant leur salaire à 1 franc. Les transitaires ont refusé. Elles ont persisté. Ils ont fait appel à des « jaunes ». Elles se sont couchées devant le train qui les amenait. Ils ont fait appel au préfet, qui a envoyé un régiment de Sénégalais en poste à Perpignan. Ceux-ci n’ont pas pu tirer… Finalement, les transitaires ont cédé. Eh oui, les oranges, c’est périssable. Elles ont eu leurs 5 sous. L’histoire n’a pas daigné retenir cet épisode de luttes ouvrières. Comme Mme Badinter ne daigne pas reconnaître le sens du 8 Mars et sa valeur commémorative des luttes des femmes.
Armande Maillet, Sète (34)
Jeudi 18 février, Politis dans la boîte aux lettres, titre alléchant : « Des femmes répondent à Élisabeth Badinter » […]. J’avoue que j’aime bien les coups de gueule de cette dernière, et je m’attendais à une levée de boucliers massive. Hélas, à part Cécile Duflot, qui prêche pour son clocher, une représentante de la Leche League et une « consultante en lactation », point de jeunes mères pour donner leur avis. J’ai 80 ans, 4 enfants nés dans les années 1950, 6 petits-enfants en âge de procréer, je suis féministe, écolo, et tout et tout… Et me voila atterrée par ce que vous appelez « un débat ». Pour tout vous dire, je m’interroge surtout à propos de la « consultante en lactation ». Est-ce un métier d’avenir ? Faut-il le conseiller aux bac + 6 ou 7 qui rament pour trouver un boulot ? Ne pourrait-on pas, enfin, faire confiance aux femmes et les laisser assumer leurs choix sans les culpabiliser ?
Jacqueline Buchotte, Clamart (92)
Alexandre Adler, ce défenseur et chien de garde du libéralisme et du sarkozysme, incrimine la décroissance de la consommation de biens matériels et énergétiques non indispensables à la vie, que prônent Cécile Duflot et les Verts. Ces derniers seraient indirectement responsables de la diminution de la consommation d’essence, et donc de la fermeture de raffineries Total à Dunkerque. Adler désigne ces responsables écolos aux grévistes, invitant ceux-ci à leur adresser la facture et, sous entendu, à ne pas voter Europe Écologie. La manœuvre participe de la stratégie de Sarko – diviser pour mieux régner […]. Et les tenants de la croissance ont des soutiens actifs au PS : Ségolène Royal comme François Hollande disent qu’il faut relancer la croissance.
Les riches ont déjà épuisé la moitié des ressources non renouvelables de la planète, mais la croissance de la consommation est nécessaire pour assurer la croissance des profits des actionnaires, et tant pis si la majorité de la population mondiale en paie déjà la facture.
Jean-Louis Michel