Esprit libre, toujours tu chériras le Medef
dans l’hebdo N° 1094 Acheter ce numéro
D’après Nicolas Baverez, éditocrate, feu Jacques Marseille – le fameux chasseur de gaspi – était un « esprit libre » . Xavier Bertrand, secrétaire général de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), est d’un avis assez voisin : d’après lui, Jacques Marseille était un « esprit libre » . Ivan Rioufol, éditocrate, est complètement d’accord : Jacques Marseille était, assure-t-il, « un esprit libre ».
Quant à Jean-François Kahn, il estime, quant à lui, que Jacques Marseille était un espr… Un « être courageux » . Précisant même : « Jamais je ne l’ai vu ou entendu occulter ou camoufler une réalité parce qu’elle n’allait pas dans le sens de son engagement. »
Dans la vraie vie, où Jacques Marseille consacrait – non sans courage – de larges pans de son temps à fustiger les fonctionnaires ou à théoriser que « la pauvreté, c’est essentiellement subjectif » , comment se manifestait cette constante liberté d’esprit ?
Dans la vraie vie, par exemple [^2], dont cette chronique s’inspire honteusement.), Jacques Marseille a supervisé, au début des années 2000, la confection d’un luxueux livre sur l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), opulente filiale du Medef. Son titre – hilarant ? L’UIMM, cent ans de vie sociale.
Il s’agissait de répondre (enfin), expliqua Jacques Marseille dans son introduction, à « une historiographie largement confisquée par les adversaires du patronat » , qui sont trop serfs d’esprit, et qui (partant) passent trop de temps à contester « des principes économiques dont le bien-fondé semble pourtant évident aux dirigeants des entreprises » – et dont la remise en cause relève par conséquent, chacun(e) l’aura compris, d’une intolérable effronterie.
L’ouvrage, où le vilain mot de « collaboration » n’apparaissait nulle part, se distinguait notamment par son chapitre sur « l’UIMM dans la Seconde Guerre mondiale », où se trouvait la (bouleversante) révélation que « lorsqu’on essaie, aujourd’hui, d’embrasser du regard ce que fut l’activité de l’Union pendant l’Occupation, on ne peut manquer de relever l’importance des actions d’entraide et de solidarité à l’égard du personnel des entreprises : aux efforts spontanés des chefs d’entreprise, l’Union et ses chambres apportèrent, chaque fois qu’elles le purent, l’appui de leurs moyens de dépannage ». (N’est-ce pas follement émouvant ?)
Et certes, aux mêmes temps, l’UIMM coopérait si gentiment avec le régime de Vichy que son vice-président de l’époque, édifiante anecdote, fut parmi les dirigeants de l’économie française auxquels les autorités allemandes voulurent épargner le désagrément d’une réquisition de leur logement…
Mais, de ce négligeable détail, les auteurs ne dirent mot, et Jacques Marseille l’omit aussi – en gage, probablement, qu’il n’était pas du genre qui occulte ou camoufle une réalité…
[^2]: Comme l’a narré le Plan B dans son numéro 11 (décembre 2007-janvier 2008
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.