Explosion antinucléaire
Le Réseau sortir du nucléaire vit une crise interne qui révèle un malaise face à la lutte climatique.
dans l’hebdo N° 1093 Acheter ce numéro
Un mois de grève des salariés, licenciement en cours de l’un d’entre eux, conseil d’administration impuissant et incohérent : fer de lance de l’opposition au nucléaire en France, le Réseau sortir du nucléaire (RSN, 872 associations) vit sa plus grave crise depuis sa naissance en 1997. À la suite de l’assemblée générale des 6 et 7 février, la procédure de licenciement du porte-parole Stéphane Lhomme a été confirmée, et le conseil d’administration renouvelé – le salarié y a perdu ses principaux appuis.
Il lui est reproché par le directeur, Philippe Brousse, soutenu par les autres salariés, un comportement inqualifiable (menaces, insultes, etc.) et incontrôlable. Lhomme, réputé pour son exaltation militante, a connu plusieurs rappels à l’ordre en deux ans. Il se dit victime d’une cabale dissimulant de graves désaccords sur le fond.
De fait, l’affaire dépasse le droit du travail. Tout s’envenime en septembre quand RSN signe l’appel Ultimatum climatique, qui appelle Nicolas Sarkozy « à prendre la tête de la lutte contre le changement climatique » mais ne demande pas la renonciation au nucléaire, que le Président vante comme un atout anti-CO2. Justification des « pro-appel » : il ne faut pas se mettre en marge du combat climatique. Pour Lhomme, c’est une faute majeure, qui déclenche son explosion et des accusations de manœuvre. Après des échanges houleux, la signature de RSN sera retirée.
La fêlure, qui pourrait devenir fracture, est apparue lors du Grenelle de l’environnement. Le Réseau, sous l’impulsion de Lhomme, notamment, refuse d’y siéger car le nucléaire y a été décrété « hors débat » par Sarkozy. RSN obtient des protestations de la part de Greenpeace ou du WWF (co-initiateurs de l’appel « Ultimatum climatique »), mais elles restent de principe et ne vont pas jusqu’au casus belli : le Grenelle confirme sa priorité à la lutte contre le CO2, isolant les purs antinucléaires.
Pour Lhomme et ses soutiens, se plier à une telle hiérarchie entre les luttes écologistes est un piège mortel pour leur cause. Mais, pour d’autres, pointe le doute qu’un repli sur le seul combat antinucléaire constitue un entêtement contre-productif. « Nous sommes plusieurs salariés du réseau à être accablés par le retrait d’Ultimatum climatique » , aurait écrit l’une d’entre eux.
En février, l’assemblée générale a adopté la motion soutenue par Philippe Brousse, qui précise que « toutes les associations qui désirent un monde sans nucléaire ont leur place dans le Réseau, que la lutte antinucléaire soit ou non leur principal champ d’action » . Mais aussi la motion appuyée par Stéphane Lhomme, qui stipule que RSN ne signera aucun texte concernant le climat qui ne condamne pas explicitement le recours au nucléaire. Cohérence non garantie…