Explosion antinucléaire

Le Réseau sortir du nucléaire vit une crise interne qui révèle un malaise face à la lutte climatique.

Patrick Piro  • 11 mars 2010 abonné·es

Un mois de grève des salariés, licenciement en cours de l’un d’entre eux, conseil d’administration impuissant et incohérent : fer de lance de l’opposition au nucléaire en France, le Réseau sortir du nucléaire (RSN, 872 associations) vit sa plus grave crise depuis sa naissance en 1997. À la suite de l’assemblée générale des 6 et 7 février, la procédure de licenciement du porte-parole Stéphane Lhomme a été confirmée, et le conseil d’administration renouvelé – le salarié y a perdu ses principaux appuis.
Il lui est reproché par le directeur, Philippe Brousse, soutenu par les autres salariés, un comportement inqualifiable (menaces, insultes, etc.) et incontrôlable. Lhomme, réputé pour son exaltation militante, a connu plusieurs rappels à l’ordre en deux ans. Il se dit victime d’une cabale dissimulant de graves désaccords sur le fond.

De fait, l’affaire dépasse le droit du travail. Tout s’envenime en septembre quand RSN signe l’appel Ultimatum climatique, qui appelle Nicolas Sarkozy « à prendre la tête de la lutte contre le changement climatique » mais ne demande pas la renonciation au nucléaire, que le Président vante comme un atout anti-CO2. Justification des « pro-appel » : il ne faut pas se mettre en marge du combat climatique. Pour Lhomme, c’est une faute majeure, qui déclenche son explosion et des accusations de manœuvre. Après des échanges houleux, la signature de RSN sera retirée.
La fêlure, qui pourrait devenir fracture, est apparue lors du Grenelle de l’environnement. Le Réseau, sous l’impulsion de Lhomme, notamment, refuse d’y siéger car le nucléaire y a été décrété « hors débat » par Sarkozy. RSN obtient des protestations de la part de Greenpeace ou du WWF (co-initiateurs de l’appel « Ultimatum climatique »), mais elles restent de principe et ne vont pas jusqu’au casus belli : le Grenelle confirme sa priorité à la lutte contre le CO2, isolant les purs antinucléaires.

Pour Lhomme et ses soutiens, se plier à une telle hiérarchie entre les luttes écologistes est un piège mortel pour leur cause. Mais, pour d’autres, pointe le doute qu’un repli sur le seul combat antinucléaire constitue un entêtement contre-productif. « Nous sommes plusieurs salariés du réseau à être accablés par le retrait d’Ultimatum climatique » , aurait écrit l’une d’entre eux.
En février, l’assemblée générale a adopté la motion soutenue par Philippe Brousse, qui précise que « toutes les associations qui désirent un monde sans nucléaire ont leur place dans le Réseau, que la lutte antinucléaire soit ou non leur principal champ d’action » . Mais aussi la motion appuyée par Stéphane Lhomme, qui stipule que RSN ne signera aucun texte concernant le climat qui ne condamne pas explicitement le recours au nucléaire. Cohérence non garantie…

Écologie
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« L’exploitation minière, un modèle est intrinsèquement prédateur et destructeur »
Entretien 8 janvier 2025 abonné·es

« L’exploitation minière, un modèle est intrinsèquement prédateur et destructeur »

Une nouvelle ruée minière a lieu dans le monde, au nom de la transition énergétique. Une fausse solution et des politiques mensongères que décrypte la journaliste et philosophe Celia Izoard.
Par Vanina Delmas
Dans l’Allier, le lithium mine la transition énergétique
Écologie 8 janvier 2025 abonné·es

Dans l’Allier, le lithium mine la transition énergétique

Face à l’objectif d’électrification du parc automobile européen, ce métal mou aiguise l’appétit de plusieurs projets industriels en France. Une course à l’exploitation minière qui semble ignorer les principes de sobriété et de nombreux enjeux écologiques.
Par Tristan Dereuddre
Marine Calmet : « Le mouvement des droits de la nature offre une alternative au capitalisme »
Entretien 11 décembre 2024 libéré

Marine Calmet : « Le mouvement des droits de la nature offre une alternative au capitalisme »

La juriste a une obsession : transformer notre rapport au vivant, et transformer le droit. Dans le livre Décoloniser le droit, elle explique comment le droit français est encore le fruit d’un projet néolibéral et colonial, et dit l’urgence qu’il y a à le bouleverser.
Par Vanina Delmas
Écologie : « En France, nous voyons un réseau d’entraide entre les luttes se former »
Luttes 4 décembre 2024 abonné·es

Écologie : « En France, nous voyons un réseau d’entraide entre les luttes se former »

Le chercheur Gaëtan Renaud a mené pendant huit mois une enquête auprès des collectifs citoyens qui ont bataillé et gagné face à des grands projets imposés et polluants entre 2014 et 2024. Il nous livre un panorama de ces dix années de luttes locales qui ont fait bouger quelques lignes. Entretien.
Par Vanina Delmas