La marque du fascisme !
dans l’hebdo N° 1092 Acheter ce numéro
Le Monde vient de publier une à peine croyable tribune où Marie-Ségolène Royal, « présidente de la région Poitou-Charentes » (nous dirons maintenant MSR), donne libre cours à l’indignation que lui inspire la persécution de Bernard-Henri Lévy (nous dirons BHL) par de vilaines gens (dont les noms ne sont pas dits) qui le « chassent », façon (gros) salauds.
MSR est marrie [^2] : « La polémique mesquine contre BHL éclipse injustement l’intellectuel curieux et engagé. » Déplore-t-elle. Sans rire.
MSR lit « ce qui s’écrit, tous ces jours-ci, sur » BHL. « J’observe l’incroyable chasse à l’homme déclenchée contre lui pour une obscure histoire d’auteur sous pseudonyme qui l’aurait prétendument piégé ». Énonce-t-elle. Sans rire.
MSR, par conséquent, raconte (encore) n’importe quoi. Puisque, d’une, aucun « auteur sous pseudonyme » n’a « prétendument piégé » BHL, qui s’est plutôt
(et bel et bien) ridiculisé tout seul, comme un grand (philosophe), en s’appuyant sur un livre d’un philosophe qui n’existe pas – Jean-Baptiste Botul –, écrit en réalité il y a onze ans, par un facétieux journaliste. Et puisque aussi, de deux : les journalistes, après la révélation de cette ahurissante bévue, s’empressent de tendre leurs micros (comme sur France Inter) et de prêter leurs plumes (comme dans Libération ) à BHL, pour lui faire confirmer que sa grossière méprise n’est d’aucune importance, et qu’elle serait même assez drolatique – voyez si me fait pouffer la crue divulgation de ma consternante légèreté.
En fait de « chasse à l’homme », on assiste donc plutôt à un concours de lèche – comme à chaque fois que paraissent de nouveaux bouquins de BHL.
MSR, nobstant, se pâme : « plongée, à l’instant où » elle écrit sa tribune, « dans Pièces d’identité ( Grasset, 1340 p. 29 euros ), qui est le plus gros des deux livres publiés il y a quelques jours » par l’intellectuel-curieux-et-engagé, elle trouve que c’est plein de « passion », d’ « analyses prémonitoires » , de « pages bouleversantes ».
C’est aussi plein (mais elle néglige de le signaler) de gentilles pages où BHL chante qu’il « croi(t) en Ségolène Royal », précisant par exemple (page 990) : « Je crois toujours à sa compétence. Je crois toujours qu’elle a la stature pour le job » de cheffe de l’État français, « et je suis indigné du traitement dont elle est l’objet ».
De sorte que nous avons là, en vérité, un échange de bons procédés, où MSR ovationne un recueil de textes de BHL où BHL dit le plus grand bien de MSR – et si qu’tu m’passais du séné, pourrais-j’point t’passer la rhubarbe ?
Et jusque-là nous sommes dans la normalité d’un classique renvoi d’ascenseur.
MAIS SOUDAIN : le drame. Ruinant d’un mot son bel effort, MSR écrit, l’inconsciente, que les (gros) salauds qui ont ouvert « la chasse » au BHL sont des « roquets ».
Or : « Les métaphores zoologiques […] s ont toujours la marque du fascisme. » Toujours. C’est « sans appel ».
Et ce n’est bien sûr pas moi qui le dis : c’est BHL, dans son gros livre. Page 1137.
Bon sang. Je suis atterré.
[^2]: De sorte qu’en effet, on pourrait aussi l’appeler Marrie-Ségolène Royal, mais bon, restons dignes.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.