Les enjeux verts du vote du Sud-Ouest
Lignes ferroviaires à grande vitesse, réforme du parc national des Pyrénées, réintroduction de l’ours : la préservation de l’environnement est devenue un thème incontournable de la campagne électorale.
dans l’hebdo N° 1093 Acheter ce numéro
Les lignes ferroviaires à grande vitesse (LGV) verront-elles le jour en Aquitaine ? « Les candidats aux élections régionales doivent tenir compte du retournement de l’opinion publique » , estime Victor Pachon, porte-parole du Collectif des associations de défense de l’environnement (Cade). Avec un coût global provisoire estimé à 23 milliards d’euros, trois nouvelles lignes sont en projet dans le Sud-Ouest. Et les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées sont les premiers financeurs, alors que l’État et Réseau ferré de France (RFF) se sont peu à peu désengagés. Aux préjudices environnementaux s’ajoute désormais la facture pour les habitants.
Menée par un cabinet suisse indépendant, Citec, une contre-expertise du rapport de RFF montre que les lignes existantes sont sous-exploitées, et suffisantes au moins jusqu’en 2020. Réaménagée, la ligne Sud-Aquitaine pourrait accueillir un flux de trains cinq fois supérieur, alors qu’une nouvelle ligne ne ferait gagner que 13 minutes sur le trajet. L’analyse est partagée par la Cour des comptes, qui estime les prévisions de RFF « fragiles, coûteuses […], d’une rentabilité plus faible qu’espéré » . Ainsi, dans la population, gagne l’idée que les projets de LGV dissimulent d’autres enjeux : la priorité aux déplacements d’une élite des eurocités, les profits des grands groupes du génie civil.
Les contestataires ont multiplié les manifestations. Le 23 janvier, ils étaient 15 000 à défiler entre Hendaye et Irun, poussant les candidats à évoluer. Ainsi, un temps favorable à la LGV, Marie Bové, la tête de liste Europe Écologie en Gironde, s’est prononcée contre. Même revirement pour Jean Lassalle, tête de liste MoDem. La ministre UMP Michèle Alliot-Marie a provoqué le trouble en se prononçant en faveur du réaménagement des lignes existantes, à rebours de Xavier Darcos, tête de liste de son parti en Aquitaine. Néanmoins, le favori Alain Rousset, président socialiste sortant, soutient encore bec et ongles le bien-fondé de la LGV, ce qui promet des frictions avec Europe Écologie lors des négociations de second tour.
Le dossier attise aussi les passions par ses conséquences indirectes. En effet, la construction de l’A65 Pau-Langon, l’élargissement de l’A63 landaise et les trois projets de LGV vont faire des Pyrénées la source à granulats du grand Sud-Ouest. Le seul département des Pyrénées-Atlantiques pourrait fournir bien plus que sa production actuelle, approchant pourtant les 8 millions de tonnes de roches par an. Les projets de carrières apparaissent donc massivement, d’Hendaye au sud de Toulouse. On en compte trois dans la seule vallée d’Ossau, en Béarn. Comme à Pédéhourat, site béarnais exceptionnel. « Certains candidats nous vantent le Pau-Madrid en trois heures. Mais, pour moi, la LGV sera synonyme de poussière, de bruit et de dégradation de l’habitat naturel », regrette un habitant, dont le bulletin de vote tiendra compte de cette menace.
Un autre dossier pèse particulièrement dans ces régionales : la réforme des parcs nationaux intervenue en 2006. Le texte, qui redéfinit le mode de gestion et la réglementation des espaces naturels, a aussi réformé l’échiquier politique pyrénéen. Depuis un an, le député MoDem Jean Lassalle, figure locale, mène une fronde contre l’application du texte au parc national des Pyrénées (PNP), qu’il dénonce comme une ingérence de l’État. Refus de siéger au PNP, réunions publiques, distribution de bulletins d’information et, depuis octobre dernier, un recours devant le conseil d’État.
Une attitude pourtant critiquée par de nombreux acteurs du territoire, qui accusent le candidat de tenir des propos flous et sans perspective, dans le seul dessein d’asseoir son pouvoir localement. « Lassalle fait de son opposition à la réforme une tribune pour les régionales », dénonce André Berdou, candidat PS en Pyrénées-Atlantiques et nouveau président du conseil d’administration du PNP. Le député béarnais, qui s’était pourtant simplement abstenu lors du vote de la loi en 2006, prend aujourd’hui pour cible le premier représentant de l’État au PNP : « Le directeur a désormais pouvoir de proposition, de gestion et d’administration sur l’ensemble du territoire. Ce pouvoir est retiré aux élus. » Pourtant, le nouveau décret n’introduit aucun changement. « On peut même dire qu’il est plus encadré, puisque la loi de 2006 a augmenté la proportion de sièges réservés aux élus locaux dans le conseil d’administration », relève Philipe Ospital, sous-directeur du PNP.
Bénéficiant de subventions et d’une valeur ajoutée pour leur production, beaucoup d’éleveurs de montagne restent d’ailleurs favorables au parc et ne sont pas dupes de la manœuvre du candidat Lassale. « On ne lui laissera pas passer ça ! » , confie Laurent Paroix, berger et élu à Sevignacq-Meyracq.
La présence du candidat MoDem au côté des opposants à la réintroduction d’ours ne relève pas non plus du hasard. Ce dossier très chaud, où l’État est fortement décisionnaire, s’est également invité dans les régionales : les associations naturalistes ont demandé à tous les candidats de se positionner, alors que les « anti » manifesteront le 13 mars, la veille du premier tour.