L’exemple vient de haut
dans l’hebdo N° 1095 Acheter ce numéro
Adoncques : Brice Hortefeux et son gouvernement veulent en finir avec la violence des hooligans. Or, cela, comme l’a fort justement souligné le journaliste Mustapha Kessous dans le Monde [^2], passe nécessairement « par une guerre contre le racisme » des supporteurs d’extrême droite – ces gens, tu sais, qui trouvent qu’il y a trop d’étrangers dans notre cher und vieux pays, et qui poussent des cris de singe quand des joueurs foncés de peau entrent sur le terrain. Et ça, n’est-ce pas, c’est pas du tout gagné, parce que, pour ce qui serait de ces pulsions-là, force est de constater : l’exemple vient de haut.
L’exemple vient de haut quand un fameux penseur d’époque, fervent fan du chef de l’État français lui-même, déclare impunément que tous ces Noirs qu’on a, dans l’équipe de France de football, ça fait quand même bien « ricaner toute l’Europe » , mâme Dupont : serait plus que temps qu’on y remette quelques Blancos.
L’exemple vient de haut quand le même fin rhéteur, décidément versé dans la délicatesse, pousse quelques années plus tard un gros ouf de soulagement : la France, contrairement à ce qu’on aurait pu redouter, ne s’est pas « tiers-mondisée » après la main de Thierry Henry [[Rapporté par le camarade Boniface dans son livre Pourquoi tant de haine
(éditions du Moment).]]…
L’exemple vient de haut quand l’intègre Francis Delattre, élu de région de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) – encore un supporteur de Sarkozy –, proclame qu’il a pris Ali Soumaré pour « un joueur de l’équipe réserve du PSG » – sans être sanctionné par son digne parti, où l’on goûte, manifestement, ces puantes éructations.
L’exemple vient de haut quand Brice Hortefeux himself lâche publiquement que, tant que les Arabes ne sont qu’un, tout va bien, mon Gaston, mais que, dès qu’ils sont plus d’un : « Il y a des problèmes. » (Puis de préciser que c’était, il va de soi, une plaisanterie : alors quoi, on peut plus rien dire ? On peut même plus déconner ?)
Ça fait trois longues années que la droite kozyque, au nom de sa décomplexion, flatte les pires phobies de son électorat – sous les applaudissements nourris d’une cléricature de régime dont le nouveau fond de commerce est de nous vendre l’antiracisme en mère de toutes les abominations.
Les cris de haine dans les tribunes sont l’écho, amplifié, des incessantes saillies de ces apprentis sorciers : une contribution, ni plus ni moins dégueulasse que les considérations d’un Éric Zemmour sur les « nouveaux “barbares” » de « l’immigration arabo-africaine » , au débat sur l’identité nationale.
Supposer que les mêmes crânes iconoclastes qui ont voulu ce débat éradiqueront le racisme des stades revient à espérer que la peste nous guérira du choléra : on peut bien sûr y croire – mais pas plus de vingt secondes.
[^2]: Du 20 mars.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.