Pour qu’Israël se conforme au droit

Dans cette lettre ouverte à François Fillon et à Michèle Alliot-Marie, Jean-Guy Greilsamer explique les raisons de son engagement dans des actions pacifiques de boycott des produits d’Israël.

Jean-Guy Greilsamer  • 4 mars 2010 abonné·es

Monsieur le Premier ministre,
Madame la ministre de la Justice,

Avant d’aborder l’objet de cette lettre, je me présente par quelques détails dont vous comprendrez plus loin la signification.

Je suis né en 1946 et suis juif. Ma famille, comme la plupart des familles juives, a subi de lourdes pertes pendant la guerre. De nombreux parents, que je n’ai donc jamais connus, ont disparu en camp de concentration : ma grand-mère maternelle, des oncles, des tantes et des cousins.
Mon enfance a baigné dans une ambiance juive, rythmée par des fêtes et des rencontres familiales, et j’ai fait ma bar-mitzvah en 1959 (à Bar-le-Duc). Je garde un assez bon souvenir de cette période, et mes parents, bien que de nature très inquiète, ne passaient pas leur temps à ressasser continuellement les souvenirs du génocide.

Lors de ma bar-mitzvah, j’ai lu solennellement dans la synagogue un texte imprimé, que j’ai gardé, dans lequel il est écrit : «  Je prends l’engagement de devenir un membre utile de la société et un bon citoyen de mon pays. »
Eh bien, monsieur le Premier ministre, madame la ministre de la Justice, c’est cette promesse qui me guide quand je m’engage dans des actions pacifiques de boycott des produits d’Israël, actions que je poursuivrai résolument aux côtés d’autres manifestants tant que cet État ne se conformera pas au droit international.

Cet État développe en effet depuis longtemps une politique de dépossession, d’exclusion, d’expulsion, de colonisation et d’humiliation du peuple palestinien : colonisation ininterrompue de la Cisjordanie, blocus de Gaza, atteintes graves aux droits des Palestiniens d’Israël, judaïsation de Jérusalem, refus du droit au retour des très nombreuses familles expulsées lors de la création de l’État d’Israël.

Cet État, qui prétend agir au nom des Juifs du monde entier et brandit constamment l’ignoble chantage à l’antisémitisme, est criminel pour la population palestinienne et suicidaire pour la population juive. Comme il méprise le droit international, qu’il jouit d’une impunité persistante et que sa politique provoque l’accroissement de nombreux conflits ou tensions dans le monde, beaucoup de citoyens épris de justice, dont je suis, ont compris qu’il était temps de développer une campagne de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) à l’image de celle qui a contribué à mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud.

J’ai été très choqué par vos discours devant le Crif, qui visent à criminaliser BDS et à prétendre sans aucune preuve que ce mouvement appelle à boycotter les produits casher. Et la condamnation à Bordeaux de Mme Sakina Arnaud pour « incitation à la haine raciale, nationale et religieuse » est injustifiable.
Je suis disposé, si cela vous intéresse,
à vous exposer plus longuement mes convictions, voire à en discuter avec vous.

Mais, en tant que Juif attaché à la justice et aux droits des peuples, je continuerai, comme beaucoup d’autres concitoyens guidés par leur conscience, à persévérer dans le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre Israël jusqu’à ce que cet État se conforme au droit international et reconnaisse les droits du peuple palestinien.

Veuillez agréer, monsieur le Premier ministre, madame la ministre de la Justice, mes salutations citoyennes.

Idées
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