Régionales : Un scrutin local aux enjeux nationaux
Les régions exercent des compétences qui influent sur le quotidien, mais leur bilan est difficile à évaluer. Le principal enjeu de ces élections réside dans l’ampleur de la défaite de la droite. Les scores des Verts et du Front de gauche détermineront la future composition de la gauche.
dans l’hebdo N° 1093 Acheter ce numéro
Près de 42 millions d’électeurs sont appelés aux urnes dimanche. Pour cette cinquième édition des régionales, ils auront à choisir entre 252 listes candidates dans les 26 régions (22 en métropole, 4 outre-mer) où le scrutin est organisé. Un scrutin forcément local mais qui cache plus d’un enjeu national. Organisée à mi-mandat du quinquennat de Nicolas Sarkozy, cette élection est aussi le dernier rendez-vous électoral touchant la quasi-totalité des électeurs avant la présidentielle de 2012.
Avec 26 régions et autant de scrutins différents, l’enjeu des régionales est avant tout local. Même si les électeurs ne perçoivent pas toujours avec clarté les enjeux locaux de la région, la plus récente des collectivités territoriales et la plus méconnue. Un sondage LH2 publié en décembre révélait que moins de 30 % des Français connaissent le nom de leur président de région. Selon une enquête de TNS Sofres pour le Cevipof, de décembre 2009, 59 % des Français avouent avoir confiance dans le travail des conseillers régionaux, bien qu’ils ignorent très largement les missions qu’ils sont censés remplir. Et tous les sondages de ces dernières semaines concordent sur ce point : près d’un Français sur deux déclare ne pas être intéressé par la campagne.
La région exerce pourtant des compétences qui influent sur leur vie quotidienne. C’est le cas des trois grands domaines d’intervention qui concentrent à eux seuls 80 % des budgets des conseils régionaux : les transports, avec le dossier des TER ou le maillage RATP-SNCF en Île-de-France, les régions ayant la charge d’acheter et d’entretenir les trains, et de décider des dessertes ; les lycées, qu’elles construisent et entretiennent, tout en rémunérant les personnels non enseignants ; l’apprentissage et la formation professionnelle.
Mais les régions coordonnent aussi les actions de développement économique des autres collectivités avec lesquelles elles passent des « contrats », en fonction d’un schéma d’aménagement du territoire qu’elles doivent arrêter tous les sept ans, schéma qui établit les priorités de la région. Depuis 2004, elles distribuent une partie des aides publiques aux entreprises – un sujet très débattu au sein de la gauche – et peuvent même entrer dans leur capital. Enfin, elles peuvent intervenir volontairement en faveur du logement ou de l’environnement, dans la culture, le sport… Sans oublier le versement de subventions aux associations dans les domaines les plus variés.
Bien qu’importantes, les compétences des régions revêtent un caractère technique qui n’aide ni à leur visibilité ni à leur évaluation par les électeurs. La manière dont elles sont exercées diffère pourtant suivant que le conseil régional penche à droite ou à gauche, et même d’une région à l’autre pour une même couleur politique.
Cette faible perception des enjeux locaux renforce la prédominance des déterminants politiques nationaux dans le choix des électeurs. Nicolas Sarkozy ayant, lui-même, exhorté l’UMP à faire de ces régionales un enjeu national, en s’impliquant dans la bataille – cette semaine encore, il effectuait mardi un déplacement dans le Doubs, histoire d’appuyer la candidature d’Alain Joyandet, et devait appeler à la mobilisation de son camp dans un entretien au Figaro magazine, samedi – et en poussant des ministres à se présenter, il est très probable que les électeurs le prennent au mot.
La gauche, sans vouloir en faire son unique argument de campagne, ne se prive pas d’appeler à un vote-sanction. En 2004, les électeurs avaient adressé un cinglant désaveu à Jean-Pierre Raffarin en donnant à la gauche les clés de 20 des 22 régions métropolitaines, contre tous les pronostics. Le Premier ministre était resté en poste jusqu’au référendum perdu sur le traité constitutionnel européen, quatorze mois plus tard. Mais, plombé par la défaite des régionales, il avait dû ranger dans les cartons plusieurs projets de réforme. Que fera Nicolas Sarkozy au cas où la gauche réaliserait « le grand chelem » dont rêve Martine Aubry ? Nul ne le sait.
Qu’il remanie ou non, l’expérience de 2004 montre que la fin de son quinquennat ne sera pas celle qu’il souhaite si le vote-sanction est massif. Et les socialistes ne sont pas les derniers à en faire un enjeu. « Une victoire du PS sera un frein au gouvernement » , a assuré Lionel Jospin à Lens, le 5 mars. « À l’évidence, les Français veulent se servir du bulletin pour dire qu’ils ne sont pas d’accord avec la politique économique et sociale », a renchéri Laurent Fabius dimanche sur Europe 1. Rappelant que le gouvernement préparait un « troisième tour » avec « des décisions dans des domaines très importants : retraites, emplois publics, collectivités territoriales… » , l’ancien Premier ministre est convaincu que le contenu de ce « tour de vis […] ne sera pas le même » suivant que l’élection est un succès de la gauche ou de la droite.
L’ampleur du choc dépendra de la participation : si elle n’est que de 50 %, comme le prédisent les sondages, le gouvernement aura beau jeu de dire que le scrutin n’est pas significatif. Il dépendra aussi de l’orientation des équipes régionales et donc des alliances de second tour. « Une fusion avec le MoDem, écrit François Delapierre, délégué général du Parti de gauche, contribuerait à transformer une gifle de gauche contre la droite en l’expression d’une simple opposition à Nicolas Sarkozy, aux contours politiques nébuleux et variables selon les régions. »
La recomposition du paysage politique à gauche constitue le second enjeu national de ce scrutin. Il dépend pour beaucoup du score qu’obtiendront les listes Europe Écologie et celles du Front de gauche. Et du choix que feront, au premier tour, les électeurs socialistes qui ne veulent pas d’une alliance avec le MoDem.