Courrier des lecteurs 1097
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Le président de la République est décidé à s’attaquer à la délinquance.
Deux décisions courageuses sont en préparation : supprimer les allocations familiales aux parents qui ne tiennent pas leurs enfants et… leur rémunération aux ministres qui ne poursuivent pas les patrons voyous.
Paul Oriol, Versailles
La vérité n’est toujours pas dite sur les harkis à travers les émissions de télévision et reportages divers. Il y a une loi du silence pour ne pas écorner l’image du général de Gaulle. Ce dernier a donné l’ordre au ministre des Armées de ne pas rapatrier ces gens engagés à servir le drapeau français, auquel ils avaient prêté serment de fidélité. Le Président a jugé que cet afflux massif de combattants sur le sol de notre pays pouvait compromettre la paix civile. On les a désarmés et abandonnés sur place (j’en ai été le témoin), et les quelques milliers qui ont pu être sauvés le doivent à beaucoup d’officiers qui ont contrevenu aux ordres et les ont fait embarquer pour la France ; Mais il y en a eu 30 000 ou 40 000 voués au massacre par les gens du FLN. Comment un ancien militaire a-t-il pu livrer à l’ennemi ceux que l’on appelait les « franco-musulmans » et qui se sont battus à nos côtés, appelés du contingent ou rappelés ?
Je ne porte pas de jugement sur ceux qui, ainsi, ont servi dans l’armée française, mais je trouve particulièrement scandaleux qu’on ne dise mot sur ce drame humain et sur la responsabilité des plus hautes instances de la Nation.
Qui oserait dire qu’il s’agit là d’un crime contre l’humanité ?
Homme de gauche, j’ai toujours eu horreur des injustices, et je crois que celle-là est de taille !
Jean Peyrondet, Taillebourg (17)
Un tissu de bêtises
Depuis la Libération, le Marché Saint-Pierre a su diversifier son fonds de commerce. Désormais, on y trouve aussi, sous les rouleaux de satin, des licenciements abusifs et des procès en diffamation dont les dommages et intérêts réclamés [deux millions d’euros, NDLR] sont si démesurés qu’ils dépassent largement l’ourlet du grotesque.
Après Catherine Fradier, tourmentée en inquisition par l’Œuvre de Dieu pour son livre Camino 999 , c’est une autre auteure qui est aujourd’hui attaquée en diffamation pour son roman Aux malheurs des dames, paru chez Parigramme. L’ouvrage incriminé s’inscrit dans une collection de polars ayant pour décor un lieu emblématique de la capitale. Les dirigeants du Marché Saint-Pierre reprochent à la talentueuse Lalie Walker d’avoir imaginé une série d’enlèvements et de meurtres qui font voler la poussière du temple montmartrois de la rayonne bas de gamme. Mais également, injure suprême, d’avoir glissé quelques gros mots dans la bouche de ses personnages. Non, on ne rêve pas, on cauchemarde.
Quand l’Opus Dei, débouté en appel, réclamait déjà 30 000 euros pour laver les blasphèmes à l’eau bénite, les proprios du Déballage Dreyfus exigent cette fois 2 millions d’euros et l’interdiction du livre pour décolorer l’affront à l’eau de javel. […] Le portier de l’Éden en a bouffé son trousseau de clefs car il se murmure dans le landerneau du jersey et de l’acrylique au mètre que les finances de la boutique sont au plus mal.
Vous aurez sûrement pigé la combine. Les petits malins ont, semble-t-il, préféré confier le rapiéçage du capital en berne à leurs avocats plutôt qu’à leurs experts comptables. […]
Insurgeons-nous contre les profiteurs qui demandent maintenant aux juges de faire de la littérature populaire leur vache à lait et, au passage, tirons les oreilles des plaideurs avides de pourcentage qui se prêtent à de telles manœuvres.
Imaginez que, dans cette période de crise et de débrouille, chacun se mette à imiter la manigance des marchands de tissu, cherchant dans sa bibliothèque une ressemblance de visage avec un psychopathe de papier, une similitude de scène de crime avec le jardin familial ou une offense à l’homonymie de la belle-mère avant d’en demander réparation sous forme du salaire annuel du patron d’EDF. Les libraires, les éditeurs et les imprimeurs auraient tôt fait de fermer boutique.
« Vaste programme » , répondait le grand Charles au slogan soixante-huitard « Mort aux cons ! » Si l’on y ajoute les analphabètes volontaires, les commerçants cupides et les « chasseurs d’ambulance » opportunistes, la tâche devient pharaonique. Il faut donc s’en remettre à la justice pour expliquer aux tristes sires qui confondent le temple de Thémis avec la Française des jeux la différence entre fiction et réalité. Première leçon de lecture le 9 avril devant la 17e chambre du tribunal correctionnel. […]
Arnaud Gobin
Une journée sans Sarko : et après ? On aurait pu s’attendre à un peu plus de sens critique et même de sens politique de la part de Politis face à l’opération « Une journée sans Sarkozy » ( Politis, n° 1094). Car si le personnage est moralement petit, mais aussi vulgaire, inculte, grossier, la politique de détricotage de nos lois sociales qu’il mène avec constance, les cadeaux aux plus nantis, la complicité avec l’État colonialiste d’Israël (on pourrait hélas allonger la liste à l’envie) sont strictement de la même veine que les politiques menées, en Europe et ailleurs, par les libéraux et socio-libéraux de tout poil. Se focaliser sur la personne de Sarkozy au risque de faire passer au second plan la lutte contre sa politique et du coup
– finalement assez logiquement – en appeler à une alliance avec les villepinistes (aurait-on oublié que Villepin fut le père du CPE ?), comme le dit benoîtement un des parrains du projet, cela ne montre-t-il pas clairement la réalité de la manœuvre ? Quant à appeler cette initiative un « No Sarkozy Day », au prétexte que des Italiens ont fait cela avec Berlusconi, il s’agit là du dernier avatar en date de cette « mcdonaldisation » des esprits qui, d’ordinaire, interpelle pourtant Politis.
Jean-François Clopeau, Saint-Pardoux (79)
Quelle joie de lire dans le n° 1094 de Politis un article sur la Sologne qui pointe avec justesse la privatisation de ce territoire et le poids des grands propriétaires sur les décisions politiques locales. Merci aussi de souligner l’engagement d’Alain Beignet (PS) pour la création d’un parc naturel régional. Je voudrais cependant apporter un éclairage un peu différent sur la « grande plate-forme logistique qui serait source d’emploi » dont « rêve » Salbris, dont rêve en tout cas son maire, Jean-Pierre Albertini (MoDem)
– qui, par ailleurs, proposait il y a peu d’afficher publiquement le nom des mineurs délinquants de sa commune pour permettre une saine réaction éducative des familles… Ce sont, il est vrai, des propriétaires du coin qui bloquent l’avancée du projet, mais ce n’est pas parce qu’ils sont sûrement de vilains rentiers capitalistes que ce projet est forcément bon. En effet, on estime [^2] que l’implantation de Prologis amènerait une circulation quotidienne de plus de mille poids lourds, avec des pics entre 6 h et 10 h et entre 14 h et 17 h. Un projet non seulement difficilement compatible avec la création d’un parc naturel, mais à contre-courant d’un développement industriel durable, qui devrait favoriser le rail plutôt que la route, les circuits courts et la décentralisation, plutôt que les parkings géants de camions.
Comme Jeanny Lorgeoux (PS), à Romorantin, qui projette toujours la création d’un village de marques à vocation régionale, Jean-Pierre Albertini promet avec Prologis des emplois par centaines dans des villes durement touchées par le départ de grands pôles industriels. Ce qu’il faut dénoncer, en plus de l’absurdité écologique, c’est la dimension de ces projets. Les élus recherchent de nouveaux Giat et Matra, des projets monoblocs : une seule entreprise, des promesses d’embauches et de taxes, sans envisager ni la diversité, ni la désindustrialisation, qui ne signifie pas nécessairement désertification du territoire.
Entre le « carré des marques », le projet Pierre et Vacances de Dhuizon, le centre d’enfouissement technique de Soing-en-Sologne et Prologis à Salbris, la Sologne peut devenir un véritable trou noir environnemental.
Il faut penser pour ce territoire des alternatives durables […].
François Thiollet, conseiller municipal de Blois, Verts du Loir-et-Cher
[^2]: Source : ville de Salbris.