Dans le camp du mal
« La France des camps, 1938-1946 » rappelle comment plusieurs centaines de milliers
de personnes ont été internées sur le territoire national, suivant la politique de collaboration.
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Rivesaltes, dans les Pyrénées-Orientales. Tuilerie des Milles, près de Marseille, aménagée en camp de rétention. Camp du Vernet, de Beaune-la-Rolande ou de Gurs. Le réalisateur Jorge Amat et l’historien Denis Peschanski reviennent sur huit ans d’histoire de France et de honte, de 1938 à 1946. Construit à partir d’archives et de témoignages de rescapés, ce documentaire trace la sombre géographie des camps français où 600 000 personnes furent internées avant, pendant et après l’occupation allemande.
Républicains espagnols, jeunes internationalistes des Brigades ou de la Main-d’œuvre immigrée, ressortissants allemands, Tziganes, Juifs, mais aussi prisonniers de droit commun, comme les prostituées et les trafiquants au marché noir. D’autres Français encore : communistes, syndicalistes – puis les suspects de collaboration au moment de la Libération. Leur internement a été mis en œuvre par le ministère de l’Intérieur français, avant même le début de la guerre, suivant le décret du 12 novembre 1938. Étrangers ou partisans, considérés comme fauteurs de troubles potentiels et dangereux pour la sécurité nationale. Plus tard, ils sont vus en ennemis intérieurs, jugés sans procès, responsables de la défaite française. Dans les camps, les œuvres de secours et d’entraide sont déjà actives, telle la Cimade.
Face aux combattants de la démocratie vaincue, l’absurdité : 85 % des internés le sont au nom d’une guerre contre celui qui est responsable de leur exil. En février 1939, le franquisme jette par-delà les Pyrénées des milliers de républicains espagnols. À Argelès, ils sont près de 100 000 parqués le long de la mer. En janvier 1941, les internés seront de nationalité polonaise, tchèque ou allemande, réfugiés et raflés, en transit dans le « centre d’hébergement surveillé » de Rivesaltes avant leur déportation. Dix mille Juifs seront livrés aux nazis depuis la zone sud, dite « libre ».
Tel est le tableau d’un État mobilisant son armée et son administration pour enfermer ceux qui ont dû fuir le nazisme et le franquisme. Cela nous interpelle, souligne Denis Peschanski, « sur les risques de dérives politiques et idéologiques de l’État et du peuple en régime démocratique ». Les Républicains espagnols, comme tant d’autres réfugiés, espéraient un accueil bien différent dans la patrie des droits de l’homme. À la manière, aujourd’hui, des « résidents » qui peuplent les centres de rétention.