Encore un peu de désert ?

Tamikrest sort
un splendide premier album et habite celui
de Dirtmusic.

Jacques Vincent  • 15 avril 2010 abonné·es

Tous ceux qui ont découvert Tinariwen ces dernières années et n’ont jamais pu se résoudre à ranger leurs disques tellement ils les écoutent souvent vont se réjouir de l’arrivée de Tamikrest. Le groupe représente la nouvelle génération de musiciens touaregs qui revendiquent clairement l’héritage de leurs aînés. « Tinariwen a créé le chemin, et c’est à nous maintenant de le descendre et de créer le futur » , résume simplement son leader, Ousmane Ag Mossa. On peut même dire qu’il a créé deux chemins : celui d’une musique nouvelle et celui qui a mené celle-ci à une reconnaissance bien au-delà de la communauté touarègue. Tamikrest emprunte les deux en se situant d’emblée au niveau du meilleur des précurseurs. On retrouve dans sa musique les mêmes rythmes lancinants, les mêmes guitares branchées sur une électricité brute et les voix dans lesquelles, au fil des morceaux, se mêlent révolte, désespoir, douleur, nostalgie.

Et si les compositions reprennent en grande partie les thèmes de Tinariwen, c’est que la situation des Touaregs ne s’est guère améliorée au fil du temps. La lutte pour la reconnaissance de leur existence, notamment par les gouvernements maliens et nigériens, est toujours d’actualité, les révoltes aussi, régulièrement, tout comme les divisions au sein de la communauté, et l’éducation des enfants plus que jamais une urgence. « Nous obtiendrons la liberté, même si nous laissons des orphelins » , chantent-ils sur « Alhorya ». Les chansons d’ Adagh sont entièrement imprégnées de cette réalité et le disque se termine sur des guitares de terre brûlée. À la différence des plus anciens, les membres de Tamikrest n’ont jamais pris les armes et se revendiquent exclusivement musiciens, même si Ousmane Ag Mossa a un temps pensé devenir avocat ou journaliste pour défendre la cause de sa communauté. L’exemple de Tinariwen a sans doute été déterminant pour montrer que les chansons portent souvent plus loin que les plaidoiries. Surtout quand elles sont au niveau de celles qui constituent ce disque, nouvel exemple de cette musique miraculeuse inventée il y a plus de vingt ans dans les sables du désert.

Enregistré à Bamako, Adagh a été produit par l’ex-chanteur des Walkabouts, Chris Eckman, qui joue sur plusieurs titres, tout comme son compère Hugo Race, ancien membre des Bad Seeds de Nick Cave. Les deux ­forment, avec Chris Brokaw, le trio Dirtmusic. Ils ont rencontré Tamikrest lors du Festival au désert de 2008 et ont gardé des liens tellement étroits qu’après avoir collaboré à Adagh les trois compères ont enregistré leur album, à quelques mois d’intervalle, dans les mêmes studios de Bamako avec une partie de Tamikrest et ­d’autres musiciens touaregs comme Fadimata Walett Oumar, chanteuse de Tartit, qui prête sa voix à une version aussi sublime qu’inattendue du « All Tomorrow’s Party » du Velvet Underground.

L’album s’intitule Bamako , titre aussi simple que juste car il n’aurait pas pu être fait ailleurs ou alors il aurait été différent. La musique de Dirtmusic est essentiellement fondée sur les cordes et les percussions. La présence de Tamikrest apporte des sonorités inédites dans le croisement entre des instruments qui se côtoient rarement, comme le banjo (omniprésent) et le balafon, par exemple, symbole parfait de la rencontre entre les musiciens occidentaux et ceux du désert.

Culture
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