L’avènement d’une culture du risque
dans l’hebdo N° 1099 Acheter ce numéro
Est-il excessif de vouloir détruire 1 500 maisons pour éviter un nouveau « drame Xynthia » ? C’est devenu récurrent : à chaque événement susceptible d’affecter une population importante, le principe de précaution est brandi, instrumentalisé, attaqué.
Ses contours apparaissent dès les années 1970, avec les premières pollutions massives : il stipule que l’absence de certitudes scientifiques quant aux impacts environnementaux d’une technologie, d’un produit, etc. impose aux industriels de prendre des mesures par anticipation. À partir des années 1990, ce principe s’impose comme une norme juridique. Il est inscrit dans le droit européen. Dans les années 2000, plusieurs textes précisent cette notion encore floue et sujette à des interprétations, y compris des décisions arbitraires, ce que redoutent les acteurs économiques.
Ainsi, la Commission européenne précise que l’invocation de ce principe n’est justifiable qu’en cas de risque avéré, d’effets négatifs potentiels, d’une évaluation des données scientifiques disponibles ainsi que de leur degré d’incertitude ; les mesures prises doivent être en rapport avec le niveau de protection recherché, non discriminantes, cohérentes avec des situations semblables, susceptibles d’évoluer avec l’avancée des connaissances.
En France, ce principe a été introduit en 2005 dans la Constitution par l’article 5 de la Charte de l’environnement, le plus controversé de tous.
L’élargissement du champ de l’environnement, ces dernières années, a permis l’invocation du principe de précaution dans les tribunaux pour relaxer des faucheurs d’OGM ou pour imposer le démontage d’antennes de téléphonie mobile.
Il a justifié la suspension par le gouvernement d’insecticides dangereux pour les abeilles ou la commande de 94 millions de vaccins contre la grippe A. Il étaye l’avis d’agences sanitaires recommandant d’éviter, à l’étranger, le bisphénol A dans les plastiques alimentaires, ou, en France, l’installation d’écoles à proximité des lignes très haute tension, etc.
Et c’est par précaution que les gouvernements ont fermé plusieurs jours l’espace aérien européen après l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll, l’impact des poussières sur les réacteurs d’avion étant mal connu.