Le paradis des aigrefins
Les marchés carbone ont récemment connu une énorme fraude à la TVA et des escroqueries informatiques. Malgré les propos rassurants des défenseurs du système, celui-ci est bien en cause.
dans l’hebdo N° 1097 Acheter ce numéro
On se pinçait déjà pour y croire, en août dernier : la police britannique avait coffré une dizaine de margoulins, responsables d’une fraude à la TVA de 44 millions d’euros sur les transactions européennes de quotas de CO2. Des courtiers les achetaient au Royaume-Uni, où ils ne sont pas assujettis à la TVA, pour les revendre dans des pays où elle est appliquée – à 19,6 % en France –, et empocher celle-ci. Fin 2009, Europol révélait que ce type d’arnaque – le « carrousel » – avait massivement fonctionné depuis 2008. En dix-huit mois, jusqu’à 5 milliards d’euros de profits illicites, sur le dos des budgets nationaux ! Selon l’organisation policière européenne, dans certains pays, jusqu’à 90 % des volumes échangés étaient frauduleux.
Pour tarir ces fraudes, plusieurs pays, dont la France en juin 2009, ont prestement exonéré de TVA ces transactions. On ignore le montant de ce cadeau fiscal. Il a fallu attendre mars dernier pour que l’Union autorise les pays à modifier le mode de perception de la TVA, rendant le carrousel inopérant.
Autre arnaque, en janvier dernier : des faussaires ont obtenu les codes de possesseurs de quotas de CO2, piégés par un courriel semblant être adressé par une plate-forme de transaction en ligne – du « phishing », manœuvre d’extorsion classique sur Internet. Au moins 250 000 titres ont été volés (en Allemagne surtout) et instantanément vendus, pour une valeur d’environ 3 millions d’euros.
Carrousel, phishing : ce sont les disparités de la fiscalité européenne et la naïveté des opérateurs qui sont en cause, pas le principe de la finance carbone, se rassurent ses défenseurs. Voire… La croissance des volumes en circulation et l’extrême virtualité de la marchandise attirent particulièrement les aigrefins : des casses et des reventes expresses, au comptant, en quelques clics d’ordinateur.