Le retour d’une économie-casino ?
dans l’hebdo N° 1099 Acheter ce numéro
Quiconque se rend aujourd’hui à Ramallah est frappé par la quantité d’immeubles en construction. L’immobilier est en plein boom, et les prix s’envolent : la valeur du mètre carré a triplé depuis 2008 ; le secteur de la construction a progressé de 22 % en 2009. C’est l’un des domaines, avec les emplois de service (+ 11 %), qui tirent le plus une croissance déséquilibrée. Les 7 % de croissance annoncés en 2009 dissimulent en effet de fortes disparités : ainsi, la proportion de salariés employés dans l’agriculture a chuté de 12 % l’année dernière.
La plupart des projets immobiliers sont financés par de riches Palestiniens de la diaspora ou par des investisseurs étrangers qui misent notamment sur l’émergence d’une classe moyenne palestinienne et sur l’extension des activités touristiques (un hôtel 5 étoiles va bientôt ouvrir à Ramallah).
C’est une forme d’« économie-casino » : les investisseurs ne sont pas préoccupés par un développement réel, local et à long terme ; ils espèrent remporter rapidement beaucoup plus que leur mise, mais les risques de tout perdre sont très élevés.
L’ensemble est en effet conditionné à une improbable stabilisation de la situation politique. Dans le cas inverse, comme on l’a vu ces dernières années, les pays donateurs peuvent à tout moment suspendre leurs aides (qui permettent de payer les fonctionnaires), et Israël peut, du jour au lendemain, boucler les zones palestiniennes et paralyser l’économie. Le Bureau central palestinien des statistiques prévoit ainsi deux scénarios pour 2010, selon les évolutions politiques : un scénario optimiste, avec un PNB augmentant de 8 % ; un scénario pessimiste, avec une chute de 6 %. Faites vos jeux !
Le parallèle avec la fin des années 1990 est frappant. L’économiste Adel Samara écrivait à l’époque : « Les nouveaux buildings, les centres commerciaux et les restaurants de luxe de Ramallah et d’autres villes de Cisjordanie […] [correspondent] aux besoins et aux demandes des touristes, des businessmen, des managers d’ONG, des officiels de l’Autorité… La majorité de la population n’a rien à voir avec ce prétendu développement. » Quelques mois plus tard, la population palestinienne se soulevait, et le casino fermait.