Lourdement couillu
dans l’hebdo N° 1099 Acheter ce numéro
Tu connais l’histoire du mec de gauche (MDG) lourdement couillu, façon toro de combat, qui se pointe chez Renault ?
Il arrive, et il tombe sur deux salariés indigènes qui ont, pure coïncidence, le même nom de famille.
Le premier s’appelle Gaston Ghosn : il monte des portières à la chaîne sur des Logan pour un salaire, disons-le, assez merdique.
L’autre s’appelle Carlos Ghosn, c’est le grand big boss , et au niveau des fins de mois, tout va bien pour lui, merci – ne serait-ce que parce qu’il a délocalisé de larges pans de sa production vers des contrées où la main-d’œuvre est moins onéreuse qu’en Indre-et-Loire, attends, bonhomme, ce n’est pas du tout parce qu’on a le même patronyme que tu vas bénéficier d’un traitement de faveur, hein ?
Bon, comme je disais, notre MDG se pointe, et voilà que Gaston lui demande ce qu’il pense du gros nuage de cendres qui paralyse le trafic aérien, et à votre avis, Jean-Luc, est-ce que ça mérite qu’on en débatte ?
Là, notre MDG, n’écoutant que son fameux courage, remet l’impudent salarié à sa place, genre, mais dis donc, petit connard, j’aimerais que tu fermes ta petite gueule, j’en ai rien à foutre, moi, de tes histoires de nuage, non mais putain, pour qui tu m’as pris, tête de nœud, à venir me rompre les pamplemousses avec tes questions à la con, tu sais qui je suis ?
Bordel de merde.
Puis notre MDG se tourne vers Carlos, qui, très urbain, lui demande à son tour ce qu’il pense de ce gros nuage de cendres qui paralyse le trafic aérien ?
Écoutez, cher ami, vous me connaissez, lui répond le MDG avec un large sourire (et d’une voix soudain si mielleuse qu’on dirait celle de Oui-Oui dans Oui-Oui à la sucrerie ) : vous savez que ces choses-là ne sont pas de celles qui me préoccupent au premier chef, j’ai d’autres soucis, j’ai une élection à préparer, puis bon, je suis de gauche, n’est-ce pas, et je préfère, de très loin, me pencher sur le pénible sort des salariés(e)s que maltraite le patronat – mais, bon, puisque vous me le demandez si gentiment, et parce que c’est vous, je vous dirai qu’il y a de mon point de vue de plus graves sujets qu’un nuage, fût-il gros.
Hey, lui demande alors un gauchiste, qui passait justement par là : comment ça se fait-ce que t’es si râpeux avec le pauvre subalterne, et si mièvre avec le grand patron ?
Ben ça me semble évident, répond notre MDG : j’utilise les armes et les failles du capitalisme pour le combattre, et j’aime autant vous dire que ça le déstabilise gravement.
Fin de l’histoire.
Je te laisse la méditer : pendant ce temps-là, si tu permets, je vais lire l’interview de Mélenchon, dans Voici.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.